Depuis des décennies, la Grosse Pomme ré-aménage ses berges pour améliorer la qualité de vie des New Yorkais, pour continuer à séduire les touristes, mais aussi pour faire face aux changements climatiques… J’ai arpenté les nouveaux parcs sur le bord de l’East River en 2018 et leur effet sur mon imaginaire ne s’estompe pas! Et si nous pouvions nous en inspirer?
Ce qui m’a le plus frappé, c’est que les parcs sur le bord de l’eau semblent être développés un segment à la fois, étalant chaque année la berge précédemment aménagée. C’est du moins ce qui se passait à Long Island City cet été-là, avec le Hunter’s Point Park Extension inauguré pendant mes vacances. Il prolongeait le Hunter’s Point Park South, qui lui-même prolongeait le Gantry Plaza State Park.
Ce projet urbanistique est assez exceptionnel, puisqu’il vise à développer, sur le bord de l’eau, des quartiers pour les familles à revenus moyens de New York. Et lorsqu’on dit revenus moyens, on parle de 55 000$ à 158 000$ US! Pour vivre sur le bord de l’eau dans le Queens, avec Manhattan comme vue, et à une station de métro de Time Square!!!
L’autre aspect particulier de ce projet, c’est qu’on aménage les rues, les pistes cyclables et les parcs avant la construction des habitations. Ainsi, on attire des investissements privés tout autour, rendant l’ensemble du développement rentable et durable. Le parc sur cette affiche, c’est la fameuse Extension inaugurée lors de mon passage, devant des quadrilatères vides, mais prêts à construire. Ici, on fait trop souvent le contraire… On laisse construire et on promet des parcs qui viennent parfois des années plus tard…
L’ouragan Sandy, en 2012, a noyé les rives de New York. Les efforts pour aménager le bord de l’eau en tenant compte des changements climatiques se sont donc intensifiés. On le voit bien au Hunter’s Point Park Extension. Ici comme ailleurs, on cherche à contenir la hausse du niveau de la mer par différentes techniques, dont les bassins de rétention. Mais ce n’est pas parce que le quartier vise la classe moyenne qu’on lésine sur la qualité. On y a droit à une magnifique passerelle surplombant la rivière, dans un parc exceptionnel.
Revenons au Gantry Plaza State Park, juste au nord, qui propose cet accès à la rivière, avec vue sur les Nations Unies, l’Empire State Building et le Chrysler Building! Végétation abondante, bancs en grand nombre, promenade en bois, tout y est. Une inspiration pour le Parc Jean-Drapeau?
Plus au Sud, sous le Pont de Brooklyn, c’est une petite plage qu’on a aménagée, avec un escalier-amphithéâtre pour regarder le coucher du soleil. Même sans droit de baignade, ce petit coin de tranquillité était des plus agréables. À Montréal, je verrais bien ce type d’aménagement sous le Pont Viau, dans Ahuntsic.
Vous connaissez tous mon intérêt pour les bancs publics, j’en faisais d’ailleurs le sujet d’un récent texte, et là encore New York propose quelque chose d’intéressant. À de nombreux endroits surélevés par rapport à l’eau, on a ajouté des tabourets permettant de s’asseoir face à la rivière. Simples, peu dispendieux, faciles à installer, c’est une solution parfaite pour tous les bords de l’eau clôturés, comme au Parc du Pied-du-Courant.
Offrir une vue sur l’eau c’est déjà bien, mais attirer les gens vers l’eau en leur proposant plus, c’est mieux. New York l’expérimente à grande échelle et ça donne une multitude d’activités proposées le long de ses rivières. Le Pier 6 du Brooklyn Bridge Park et ses terrains de volleyball de plage en sont une. La photo ne le montre pas, mais je l’ai prise du toit du « chalet de parc » transformé en bar! J’ai pris cette photo un cocktail dans une main et une salade de melon d’eau et fêta devant moi… Dans le Vieux-Port de Montréal, tous les bars et restos font dos à l’eau.
Le sable des terrains de volleyball me fait penser au Village au pied du courant qui, depuis 2014, occupe un terrain vague voisin du Parc du même nom, à l’est du Vieux-Montréal. Ici, c’est une initiative citoyenne. Mais si La Pépinière, qui gère l’espace, avait les moyens de ses ambitions, le Village serait à coup sûr plus impressionnant que le Tacocina de Brooklyn, malgré sa structure permanente.
Pour ça, il faudrait aussi qu’on arrête d’opposer les parcs aux bars et restaurants. Les deux concepts peuvent très bien cohabiter, comme le montre cet exemple de New York, le LIC Landing, où les dizaines d’autres vus dans plusieurs villes du monde lors de mes voyages!
On peut même prendre un verre jusqu’à 22h sur le bord de l’eau à New York (et même plus tard dans une foule de villes d’Europe). L’eau peut donc nous accompagner dans toutes nos activités de l’année, du sport au loisir, de la culture aux cocktails entre amis. J’ai hâte qu’on modernise notre relation à l’alcool. Alors que n’importe qui peut aujourd’hui fumer sur le bord du fleuve à Montréal, il est interdit d’y boire!
Restons encore quelques instants devant ce resto-bar de Long Island City, dans le Hunter’s Point South Park. C’est là que s’arrête une des lignes de bateau taxi de la ville… Tellement intéressant que j’en ai fait un texte. Car lorsqu’on offre un tel service de navette, c’est surtout un incroyable accès à l’eau qu’on donne aux citoyens. Mis ensemble, les nombreux exemples déjà mentionnés créent une ville ouverte sur ses rivières, rendues accessibles à l’ensemble de la population par une multitude de moyens…
Et rendre accessibles ses berges, c’est aussi oser réfléchir aux endroits qui semblent inutilisables. New York l’a fait en installant un restaurant couru sous une autoroute qui longe sa rivière…
…et en installant le Andrew Haswell Green Park sur le toit de la structure abandonnée d’une ancienne station de transfert des ordures, avec une étrange œuvre d’art d’Alice Aycock pour la mettre en valeur. Vue du téléphérique de la Roosevelt Island, c’est on ne peut plus osé!
L’utilisation active du patrimoine industriel est une autre source d’inspiration qui pourrait nous venir de New York. Plutôt que de nier l’importance des structures ferroviaires, on les a réhabilitées. Comme c’est le cas avec ces portiques géants qui ponctuent le paysage autour de Manhattan, réutilisés dans de nombreux aménagements du bord de l’eau. Ces portiques étaient des structures uniques au monde, utilisées pour transférer des wagons sur des barges ferroviaires flottantes, permettant d’approvisionner la ville sans la congestionner.
Plus loin, ce sont d’anciens quais-entrepôts qui sont devenus des stades de basketball au Pier 2 du Brooklyn Bridge Park.
Il n’y a pas que les berges desquelles s’inspirer à New York. Ses îles aussi devraient nous faire rêver… Voici la Gouvernors Island, côté bar…
…et côté cour. Parce qu’il suffit d’un minimum de sensibilité pour trouver des vocations uniques à des environnements qui le sont tout autant! Le Parc Jean-Drapeau a, de ce côté, un immense travail de rattrapage à faire, après avoir ensablé certains de ses canaux, abandonné ses floralies, négligé son patrimoine bâti, sa roseraie et les environs du petit lac de l’île Saint-Hélène…
Enfin, autre initiative marquante pour permettre à ses citoyens de se réapproprier les berges, la ville de New York travaille avec les jeunes de ses écoles à ré-ensemencer un milliard de moules pour contribuer à l’assainissement des eaux de la rivière, après les avoir surexploitées jusqu’à l’extinction au début des années 1900…
Améliorer la qualité de vie; séduire les touristes; faire face aux changements climatiques…
Et si on osait s’inspirer de New York? À notre échelle évidemment. Mais comme démontré dans ce texte, il n’est pas toujours nécessaire d’investir des millions pour changer radicalement une berge. Tabourets en front de mer, programmes éducatifs et autres occasions saisies pour améliorer notre accès à l’eau ne sont pas inaccessibles à une ville comme Montréal.
Il ne manque pas de lieux pour agir. Le site de la Molson est le premier qui me vient à l’esprit, car il permettra des aménagements hors du commun. Puis il y aura le long de l’autoroute Bonaventure à réaménager et certains parcs le long de la rivière des Prairies à repenser.
D’ici à ce qu’on agisse du côté plus urbanisé de l’île, il nous reste toujours les très agréables accès à l’eau aménagés sur les rives de Verdun où on peut déjà aller se prélasser avec plaisir. Ou ceux du Parc des rapides à LaSalle, du bord de l’eau de Lachine et des écluses de Sainte-Anne-de-Bellevue, tout au bout de l’île!
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Il va falloir ajouter bientôt à cette liste le projet de BIG pour le Green Belt (anti-inondation) qui entoure l’île, mais surtout le Pier 55 de Thomas Heatherwick https://littleisland.org/
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UN GROS MERCI pour cet article des plus interessants!!!!
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Et merci à vous pour ce commentaire des plus appréciés! 😉
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