Vous avez peut-être remarqué la récente initiative de marquage des arbres de Montréal, avec des étiquettes de carton bleues? Comprenant des messages comme « Cet arbre était ici du temps du tramway », on y trouve des données économiques sur la valeur des services qu’offrent les arbres ainsi identifiés. C’est une campagne sympathique…

Mais elle est aussi contestée. En effet, de l’avis de certains, mettre une valeur monétaire à un arbre prête dangereusement flan à trouver une utilisation économique plus « rentable » à l’espace occupé par celui-ci. Et c’est oublier ses autres vertus, liées au paysage, à la santé, à la qualité de vie en ville, entre autres.

Il faut toutefois saluer cet effort de la Ville pour nous rappeler les bienfaits économiques des arbres. Réduction de la consommation d’électricité pour la résidence qu’il voisine, absorption du CO2 et des polluants atmosphériques, réduction du traitement des eaux usées… L’étiquette évalue la valeur monétaire de ces services rendus par l’arbre ainsi identifié! Ce sont des rappels importants qui ont sûrement permis d’éduquer bien des citoyens.

02 Arbres Montréal 16 avenue Rosemont

Il faudrait multiplier ces initiatives et pour le faire, les arrondissements et la Ville pourraient s’inspirer d’autres projets qui valorisent les arbres urbains, dont voici quelques exemples tirées de nos quartiers, mais aussi du monde entier.

Des arbres remarquables ou qui sortent de l’ordinaire, Montréal en a beaucoup! Par leur forme, leur valeur historique, leur histoire ou leur diversité, ils s’illustrent à bien des égards. Entre autres pour leur variété, puisqu’il y aurait plus de 300 espèces différentes d’arbres de rue plantés sur l’Île! C’est six fois plus que dans les forêts du Québec…

Une île d’arbres

Débutons par l’un des plus beaux témoignages d’amour pour les arbres de Montréal, celui de feu Bronwyn Chester, qui lançait au printemps 2008 son blogue Tree Tuesday / Les mardis des arbres. Celui-ci est devenu une chronique dans The Gazette et, maintenant que l’auteure nous a quitté, un merveilleux livre, qui a en partie inspiré ce texte.

Arbres Montréal livre lecture

« Ce sont de grandes, de merveilleuses prouesses d’architecture, d’ingénierie et de design. Pensez à leur divers rôles : ils refroidissent l’air, filtrent l’eau, diminuent l’érosion des sols, absorbent les polluants; ils nous procurent de l’ombre ou un abri, de la nourriture ou des matériaux de construction. Et tout cela, sans rien demander en retour. »

On y découvre l’histoire de Montréal à travers ses arbres. D’une grande culture générale, Bronwyn Chester nous présente les utilisations qu’on a faites de nos arbres urbains, les modes qui ont contribué au succès de certaines espèces, le quotidien des amoureux des arbres, le tout avec force d’anecdotes et de connaissances presque perdues sur ce qu’ils peuvent nous apporter. Un livre qui nous fait connaître des arbres très précis (dans un parc, sur un coin de rue, etc.), mais qui est aussi empreint d’une certaine nostalgie, lorsqu’on se rend compte que plusieurs ont malheureusement déjà disparu. Ce serait bien, un jour, d’ajouter un panneau devant ceux qui sont toujours debout, affichant la chronique de Bronwyn Chester le concernant…

Les initiatives pour les nommer

Mais partons plutôt du plus simple exemple d’initiative pour mettre en valeur les arbres. Ceux qui fréquentent le Jardin botanique sont familiers avec ces vieux écriteaux, apposés directement sur les arbres, pour les identifier. Rares sont ceux qui ont remarqué que certains comptent une petite note nécrologique (regardez le bas de l’écriteau ci-dessous!). Cette pratique est aussi commune dans plusieurs parcs de l’Ouest de l’île.

04 Arbres Montréal Jardin botanique

Aussi discret, le programme Une naissance, un arbre, offert par plusieurs arrondissements, permet quant à lui de jumeler un arbre à planter avec un nouveau né. Les parents qui en font la demande reçoivent ensuite un certificat disant le type d’arbre planté pour leur enfant et l’endroit où on peut aller le regarder grandir. Je serais curieux d’entendre le témoignage de ces jeunes qui ont un jumeau sylvestre!

Les institutions d’enseignement ont aussi leurs programmes, éducatifs cette fois, comme c’est le cas du mini arboretum créé dans le boisé de l’Université de Montréal, au pied du Mont-Royal. Situé entre les stations de métro Université-de-Montréal et Édouard-Montpetit, un petit circuit propose de découvrir une dizaine d’arbres majestueux, tout en en apprenant un peu sur leurs caractéristiques.

05 Arbres Montréal Université de Montréal

L’UQAM fait de même, en partenariat avec l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, avec un projet bien plus ambitieux. Dans une double spirale, près d’une trentaine d’espèces d’arbres ont été plantés en 2015 pour sensibiliser les passants à l’importance de la biodiversité urbaine. On cherche aussi à inciter la Ville à multiplier les espèces plantées sur rue, pour éviter les problèmes vécus par les monocultures…

06 Arbres Montréal UQAM Villeray

Un projet similaire a vu le jour au Parc Notre-Dame-de-Grâce à la suite de la tempête d’août 2017 qui, en l’espace de quelques minutes, a déraciné plus d’une quarantaine d’arbres matures. L’année suivante, on en plantait presque le double pour créer un arboretum, avec un effort pour célébrer le patrimoine arboricole du quartier.

07 Arbres Montréal Parc NDG

Parlant d’arboretum, retournons vers celui du Jardin botanique, avec ses 7 000 arbres, regroupés par essence. Une vingtaine de panneaux d’information vous permettent de vous familiariser avec chacune d’elles et vous dévoilent certains faits méconnus sur les arbres. Une bonne façon de découvrir une section du Jardin quelque peu négligée des visiteurs…

Arboretum (4)

Je n’ai pas pu les tester puisque je ne lis pas le mandarin, mais à Beijing, la capitale chinoise, on compte de nombreux arbres identifiés avec des écriteaux contenant un intrigant Code QR. Une belle façon de transmettre rapidement un maximum d’information aux curieux! La lecture du Code QR avec notre téléphone cellulaire donne accès à du contenu spécifique hébergé sur le web… Ça pourrait être intéressant, ne serait-ce que pour donner plus d’information sur l’espèce devant laquelle on se trouve! Mais aussi pour raconter l’histoire d’arbres remarquables.

09 Arbres Beijing (1)

Des arbres remarquables

Certains arbres de la capitale chinoise ont aussi droit à un enclos protecteur, avec affichage de leurs aspects exceptionnels et de leur âge. Comme celui-ci, de plus de 500 ans. J’ai entendu dire que certains arbres de Montréal étaient aussi vieux que la Ville elle-même… Il me semble que ce serait bien de les identifier! Dans le livre Une île d’arbres, on parle aussi d’arbres aussi vieux que le quartier qui les entoure aujourd’hui. Eux aussi mériteraient d’être honorés.

10 Arbres Beijing

La Cité-État de Singapour propose quelque chose de plus remarquable que tout ce que j’ai vu ailleurs : un véritable circuit des arbres exceptionnels de la ville! Traité comme une promenade touristique, il permet de parcourir 20 stations sur 3 km pour les découvrir. Singapour va plus loin, proposant une carte interactive de ses arbres patrimoniaux. Deux initiatives inspirantes.

11 Arbres Singapour

Nous n’avons pas de circuit ici. Et pourtant, bien assez d’arbres à raconter pour en créer plusieurs. Le livre de Bronwyn Chester le montre assez éloquemment! Nous n’avons pas non plus de véritable répertoire des arbres patrimoniaux ou remarquables du territoire, sauf pour ceux du Mont-Royal… Ou, comme me le faisait remarquer une lectrice, pour les arbres plus que centenaires de Ville Mont-Royal

C’est quand même peu de recension pour une île aussi grande que Montréal! Et lorsqu’on lit la Politique de l’arbre de la Ville de Montréal, adoptée en 2005, dans laquelle on s’est engagé à « reconnaître et protéger les arbres remarquables de l’île comprenant les mesures de préservation requises selon l’importance de l’arbre » on se dit qu’on pourrait faire plus…

Des arbres pour faire face aux urgences climatique et de santé publique

On se préoccupe beaucoup des changements climatiques, mais curieusement, les arbres sont peu protégés et peu mis en valeur, alors qu’on reconnaît leur incontournable contribution à lutter contre ces phénomènes… Il faudrait plutôt multiplier les initiatives, soutenir celles qui existent, ranimer des projets abandonnés avec le temps et valoriser continuellement les arbres urbains. Plusieurs initiatives visent à en planter à Montréal, mais combien visent à les faire connaître et aimer par la population?

Et pourtant, de nombreux articles rapportent les bienfaits pour la santé physique et mentale d’une plus grande proximité avec les arbres en milieu urbain. Comme celui-ci sur notre santé cardiovasculaire, celui là sur le stress, ou cet autre sur l’amélioration de notre santé mentale par le simple fait de côtoyer des arbres.

Un concept que ma grand-mère et ma mère m’ont enseigné lorsque j’étais enfant, en m’invitant à prendre dans mes bras les arbres que je trouvais remarquables. Comme quoi la tradition orale n’a pas tout faux… Et heureusement, une connaissance ancestrale qui refuse de disparaître, comme en fait foi cet arbre à câlins, croisé par hasard dans le quartier Villeray, juste avant d’entreprendre l’écriture de ce texte!

12 Arbres Montréal Villeray

Par amour pour nos arbres urbains, que pourrait-on faire de plus pour les célébrer, les mettre en valeur et les reconnaître à leur juste valeur comme des voisins essentiels à notre qualité de vie? La question est lancée!

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Et j’en profite pour vous inviter à découvrir le blogue montréalais Flora urbana 2 consacré au monde végétal.

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