Apparu en 1989 à Porto Alegre, au Brésil, le budget participatif est une innovation démocratique qui s’est depuis implantée dans plus de mille villes du monde, dont Montréal. Le premier exercice du genre à s’être déroulé au Québec, en 2006, a été porté par la mairesse de l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal de l’époque, Helen Fotopulos. Elle y invitait les citoyens à participer à la priorisation des investissements du Programme triennal d’immobilisations. Mais ce modèle a été depuis abandonné, entre autres parce qu’il recoupait un exercice déjà encadré par la fonction publique et effectué par les élus.

Vu comme un moyen de réinventer la démocratie par l’instauration d’une portion participative, le budget participatif fait couler beaucoup d’encre depuis 20 ans. Et il a inspiré bien des citoyens engagés, comme moi à l’époque, qui m’y suis penché et trouvais que le projet du Plateau-Mont-Royal n’allait pas assez loin…

Donner du pouvoir aux citoyens sur leur milieu de vie ne peut pas se limiter à les faire participer à un exercice préexistant! Il faut plutôt tirer profit de la créativité des Montréalais, de leurs idées qui émergent aux coins de nos rues, de nos ruelles et de nos parcs, pour réinventer la Ville! Et c’est heureusement ce que font les exercices de budgets participatifs des années 2020.

Dans ce texte, j’utiliserai les résultats du premier exercice de budget participatif de la Ville de Montréal, révélés en septembre 2021, pour illustrer mon propos. Mais il y a maintenant de nombreux budgets participatifs en arrondissement, dont ceux de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, d’Ahuntsic-Cartierville et de LaSalle

Quel budget?

Doté d’une enveloppe de 10 millions de dollars, le premier budget participatif de Montréal misait gros. Et c’est tant mieux, ça lui a donné toute la légitimité qu’il méritait à titre de premier exercice du genre. 4 500 citoyens y ont proposé 620 idées et, après analyse et recoupements, 35 projets ont été soumis au vote des Montréalais.

Ces 35 projets, dont le coût était estimé entre 500 000$ et 3 millions de dollars, étaient regroupés en 4 thèmes, soit la mobilité durable et active; le verdissement et la biodiversité; l’agriculture urbaine et l’alimentation; et les milieux de vie inclusifs.

Les 7 projets qui ont été choisis par les Montréalais à l’été 2021 se partageront le 10 millions de dollars prévu, dont le Jardin Éthel (Verdun), espace ludique qui sera situé sur le toit d’un stationnement étagé décrépit. Bien que ce soit un projet pour lequel j’ai moi-même voté, je m’étonne qu’il n’ait pas émergé plus tôt dans les cartons de la Ville… Ou plutôt, je m’étonne que le stationnement ait reçu un financement de 4 millions de dollars pour sa rénovation, quelques semaines avant le dévoilement des résultats du vote du budget participatif, montrant qu’il était déjà priorisé par la Ville. Cet investissement majeur était nécessaire pour rendre le Jardin Éthel possible, mais alors, l’ensemble du projet n’aurait-il pas dû être financé en dehors du budget participatif?

Stationnement Ethel et son Jardin Éthel
C’est sur le toit de ce stationnement étagé que le Jardin Éthel s’installera, avec une vue sur toute la ville!

Un autre des projet que j’ai appuyé me questionne. Le Quai34 (Lachine), qui prévoit l’aménagement du plus beau lieu pour regarder un coucher de soleil à Montréal, n’aurait jamais dû passer par le budget participatif selon moi. Dernier projet des 7 priorisés par les Montréalais, son budget de réalisation sera amputé du deux-tiers, alors qu’il aurait mérité d’être financé dans les programmes réguliers de la Ville. Potentiel attrait touristique pour Montréal, c’est un magnifique projet pour transformer cet ancien stationnement en espace de rencontre qu’on a soumis à un ballotage, plutôt que d’en reconnaître tout le potentiel d’emblée. N’aurait-il pas été possible de regrouper des partenaires, comme Tourisme Montréal, pour soutenir cette transformation emballante?

Quai34 Phare de Lachine
Le quai tel qu’il est en 2021…

Je me demande si la Ville ne devrait pas prévoir un budget supplémentaire, lors de son prochain budget participatif, pour financier elle-même certains projets majeurs et structurants… Ceux qui ont un potentiel de rayonnement international, qui créent l’événement, l’effet Wow!

Aussi, j’espère que les élus et la fonction publique continuent de développer et d’imaginer des projets exceptionnels. Bien sûr ils sont là pour gérer la Ville, mais aussi pour nous aider à la rêver! L’exercice du budget participatif ne doit pas nuire à la capacité de l’appareil municipal de nous surprendre, de nous émouvoir, de nous procurer de la fierté de vivre à Montréal.

Quelle participation?

20 000 Montréalais ont participé au vote pour déterminer les projets sélectionnés par le premier budget participatif de la Ville de Montréal.

Pour décider de l’utilisation de 10 millions de dollars, ça m’apparaît peu. C’est moins d’un pour cent des Montréalais! Le processus de vote électronique, COVID oblige, était de plus basé sur la confiance : on devait habiter à Montréal et ne voter qu’une seule fois… J’ai respecté les règles, mais est-ce le cas de tout le monde?

J’imagine bien qu’on soit satisfait de l’exercice pour une première édition. 20 000 personnes, c’est quand même beaucoup. Mais il me semble évident que si on répète l’expérience, il faut développer dès maintenant des outils à l’intention des organisations communautaires de l’île pour les inciter à contribuer à l’exercice. Les jeunes et les aînés, entre autres. C’est un exercice important, qui espère notamment intéresser les citoyens à la vie municipale et à les initier aux réalités des gestionnaires et des élus, qui doivent faire face à des coûts et des normes à respecter qui n’ont rien à voir avec ceux que nous pouvons rencontrer dans notre vie courante… C’est aussi un exercice qui espère éduquer la population sur les rôles et responsabilités des différents paliers de gouvernement, départageant ce qui appartient à l’arrondissement de ce qui relève de la ville centre; ce qui concerne le gouvernement du Québec (dont les terrains des écoles et des hôpitaux) ou le gouvernement fédéral (propriétaire du Canal de Lachine ou du Vieux-Port, par exemple).

Un tel exercice de participation citoyenne ne peut pas exister sans une véritable campagne d’information et de mobilisation. Je l’ai peu senti et à vrai dire, j’aurais même pu ignorer qu’on était invité à participer à un premier exercice de participation citoyenne à Montréal si mon arrondissement n’avait pas fait autant d’efforts pour m’intéresser au sien! En effet, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve en était à sa troisième édition (Mercier et Hochelaga ont été les deux premières), soutenue par une campagne d’affichage sur les lieux publics locaux assez invitante. C’est par ce biais que j’ai su qu’il y avait aussi un budget participatif à la Ville de Montréal. Et je ne peux pas dire que je sois le citoyen le moins informé…

Dans Maisonneuve, nous avons voté pour un nouveau marché fermier à la Place des Tisserandes (pour 300 000$) et un circuit patrimonial, historique et artistique pour mieux faire connaître la riche histoire des maisons patrimoniales et édifices phares du quartier (45 000$).

Place des Tisserandes
La Place des Tisserandes

Quels projets?

Mais justement, quels sont les projets retenus par les citoyens de Montréal pour leur premier exercice de budget participatif?

Outre le Jardin Éthel et le Quai34, on y trouve 7 mini-forêts protégées et aménagées dans des parcs ou des espaces municipaux sous-utilisés d’autant d’arrondissements; l’ajout de plus de 125 fontaines d’eau et de dispositifs permettant de remplir des bouteilles réutilisables dans des lieux fortement achalandés de 6 arrondissements; des équipements municipaux universellement accessibles et disponibles pour l’organisation de petits évènements partout sur l’île; une serre quatre saisons pour Saint-Michel; et la création de connexions entre d’importants noyaux de biodiversité déjà existants à LaSalle et dans le Sud-Ouest.

Fontaines à boires Quartier Chinois
Est-ce le genre de dispositif qu’on veut installer?

Ce sont là des projets qui n’auraient pas été réalisés sans les 620 idées émises par les citoyens, et soutenus par eux lors du vote. Ils répondent à des préoccupations actuelles, mobilisantes, mais qui n’étaient pas dans les cartons des élus ou de la fonction publique, et c’est là le plus bel effet du budget participatif. Faire émerger de nouvelles initiatives, mures pour être réalisées.

Non pas pour remplacer le travail de l’appareil municipal, mais bien pour l’enrichir. Il y aura toujours des citoyens qui, pour différentes raisons, ne voudront ou ne pourront pas participer à ces exercices. C’est pourquoi les élus locaux sont si importants. Issus d’une démocratie représentative, ils représentent une part importante de la population, qui les as choisis pour réaliser le programme qu’ils ont défendu en campagne électorale. Car les élus peuvent aussi inspirer le changement ou protéger le statu quo, selon la volonté de la majorité.

En somme, l’expérience est intéressante, mais perfectible. C’est un exercice de partage du pouvoir bienvenue pour préserver la démocratie, mise à mal ces dernières années partout sur la planète. Il reste toutefois un mais…

Il faut maintenant livrer les projets choisis par les citoyens! Prévus pour être réalisés en 2022 et 2023, ce ne sera que lorsqu’ils seront tous les 7 sortis de terre que nous pourrons réellement évaluer la valeur de ce premier budget participatif de la Ville de Montréal!

Quartier nourricier dans Ville-Marie
La serre quatre saisons du Centre-Sud: le Quartier Nourricier

Pour en savoir plus, visitez le site dédié aux budgets participatifs du Centre d’écologie urbaine de Montréal!

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