Montréal est une ville qui innove… Elle n’a pas peur de le faire et le fait même souvent! Lorsque j’ai pensé à ce sujet de texte, l’idée était de vous présenter des exemples venus d’ailleurs. Mais plus j’avançais dans ma recherche, plus je constatais qu’ici aussi nous avons une riche histoire de conversions d’usines! C’est donc plus de 10 projets de conversions déjà réalisés à Montréal que je vous présente et 5 exemples venues d’ailleurs.
Ces efforts de préservation du patrimoine industriel sont importants. Avec le temps, nos quartiers ont rejoint les anciennes zones industrielles, pour les avaler. Ces zones offrent un cadre bâti unique, différent de ce qui se voit normalement en ville. En les intégrant au développement de nos quartiers, on gagne en profondeur historique, en caractère et en originalité. Et la ville y gagne en authenticité et en attractivité. Les conversions préservent ainsi notre patrimoine, tout en témoignant de l’évolution naturelle de la ville, en perpétuel changement.
Les possibilités de conversion de nos anciennes usines sont infinies. Ces changements d’usage nécessitent d’adapter le bâti à de nouvelles fonctions, mais c’est lorsque ces transformations s’effectuent dans le respect du lieu et en conservant la mémoire de sa fonction originelle que les futurs utilisateurs du bâtiment y gagnent le plus. Vous verrez tout le potentiel de ces recyclages pour notre ville, nos quartiers et les citadins dans les exemples que je vous présente ci-dessous.
Converties en habitations
S’il y a une fonction qui a été particulièrement propice à la conversion des usines à Montréal, c’est bien celle de l’habitation! Parmi les dizaines d’exemples qu’on pourrait citer, il y en a toutefois un qui se démarque. C’est la spectaculaire conversion de la Station d’électrification de la Shawinigan Water and Power Company en coopérative d’habitation, dans Maisonneuve!
Imaginé par AEdifica en 2011 pour l’organisme Bâtir son quartier, ce projet se démarque par l’immense treuil maintenu en place, au coeur de ce qui est aujourd’hui le stationnement, entouré des espaces de circulation. L’effet est saisissant!
Une vingtaine d’autres projets résidentiels peuvent être découverts sur le site Images Montréal, dont la Biscuiterie Viau, le Lowney ou le Nordelec, témoignant de l’abondance de ce type de conversion à Montréal.
Transformées pour l’alimentation
Une douzaine d’années plus tôt, un supermarché Loblaws était inauguré dans les anciens ateliers ferroviaires Angus. Là aussi, le pont roulant et son treuil ont été préservés. Mais les plafonds y sont tellement hauts que certains clients réguliers ne l’ont jamais remarqué!
Voisin, le Locoshop, qui compte aujourd’hui une galerie marchande, est tout aussi remarquable…
À Sydney, en Australie, c’est le Rozelle Tramway Depot de 1904 qui a été transformé en foire alimentaire nouveau genre, le Tramsheds. Suivant ainsi la même évolution qu’Angus, dont les ateliers ont été inaugurés en… 1904! Plutôt qu’un supermarché, on y trouve 11 restos et cafés, en plus de quelques boutiques. Montréal a aussi vécu cette Révolution des foires alimentaires, mais encore aucune n’est apparue dans un site aussi unique…
Métamorphosées en écoles
En 1997, l’usine d’embouteillage de la brasserie Dow, abandonnée depuis plusieurs années, était recyclée pour abriter l’École des technologies supérieures (ÉTS). Une belle transformation et un moteur de renouveau pour ce quartier depuis! Et il n’y a pas que l’architecture typique du bâtiment qui a été préservée, sa mémoire aussi, à travers l’exposition Dites donc Dow! L’histoire d’une brasserie d’ici, dont je vous parlais dans le texte Capitale de la bière.
En France, l’Université Haute-Alsace a choisi de métamorphoser une ancienne fonderie pour y installer sa Faculté des Sciences Économiques, Sociales et Juridiques, à Mulhouse. Élément de relance pour le quartier, l’édifice est assez iconique.
Mais c’est l’intérieur qui impressionne le plus, donnant l’impression d’entrer dans une cathédrale du savoir!
Renouvelées pour les sports et loisirs
La raffinerie de sucre Redpath, sur le bord du Canal de Lachine à Montréal, était le premier complexe industriel de ce type en Amérique du Nord. On y utilisait de la canne à sucre importée des Antilles pour produire du sucre raffiné. En 1980, toutefois, la production fut déménagée à Toronto… Depuis 1996, le site s’est redéveloppé grâce au centre d’escalade Allez-UP, qui innovait à son tour en permettant de grimper autant en intérieur qu’en extérieur! En effet, l’été, les silos offrent des voies pour grimper à 125 pieds (38 mètres) de hauteur! De quoi voir Montréal sous un tout autre angle!
Transmutées en galeries et musées
Montréal compte quelques usines transformées en galeries d’art, comme L’Arsenal (construit en 1846 pour le chantier naval Marine Works Canada) ou la Fonderie Darling (industrielle de 1880 à 1991).
Je fais parti de ceux qui rêvent de voir un grand musée suivre l’exemple. Mais pour l’instant, on doit regarder ailleurs si on veut voir des exemples inspirants… Il y a bien sûr le Tate Modern de Londres, mais tout le monde en a parlé. On connaît moins la Centrale Montemartini, de Rome. Il s’y passe pourtant quelque chose de vraiment saisissant! En 1997, sa transformation en musée a été confiée à l’architecte Francesco Stefanori, qui choisit d’y conserver des turbines, alternateurs et autres chaudières, pour accompagner les collections de sculptures antiques… Un must si vous passez par Rome un jour!
Remaniées en ateliers d’artistes
Les usines se prêtent aussi très bien à la conversion en atelier d’artiste, comme en témoigne entre autres le Chat des artistes à Montréal. Inaugurée en 2008, cette ancienne usine textile des années soixante est aujourd’hui devenue un lieu de créativité de 3 étages, comprenant 46 ateliers et regroupant plus de 65 artistes, artisans et organismes culturels dans le Centre-Sud. C’est un cas pertinent puisqu’il a permis de préserver un édifice peut-être pas si ancien, mais quand même intéressant.
Le remaniement de l’usine d’armement d’Alexandria (ville voisine de Washington) en Torpedo Factory Art Center est du même genre que le Chat des artistes, quoi qu’il est quand même plus imposant. Cette ancienne usine de torpilles compte aujourd’hui un restaurant, 7 galeries, 82 ateliers et 160 artistes en résidence, ce qui en fait une attraction culturelle et touristique unique. Et surtout, un lieu qui nous fait croire que l’art peut réellement supplanter la guerre…
Rénovées en bureaux
Dans l’arrondissement Le Sud-Ouest, l’héritage industriel est très riche. Il était donc normal que sa mairie soit aménagée dans une ancienne usine. Ce recyclage, pensé par la firme Lemay en 2007, a permis de rénover une fabrique de biscuits centenaire, pour en faire un édifice moderne ayant une efficacité énergétique suffisante pour lui permettre de décrocher la certification LEED-NC argent.
Une autre mairie d’arrondissement s’est installée dans une ancienne usine, celle de LaSalle. L’édifice, construit en 1930 pour fabriquer les médicaments de la compagnie Burroughs-Wellcome, était une prouesse technique pour l’époque, à cause de son utilisation du béton armé. Depuis 1983, ce sont des services municipaux qui y logent, sur les Highlands de l’arrondissement, avec une très belle vue sur le fleuve.
Recyclées en parcs
Certaines usines vivent une transformation plus profonde et peuvent devenir les éléments centraux de parcs! C’est le cas ici avec le Parc-nature de l’Île-de-la-Visitation, qui comprend les vestiges d’un complexe industriel des années 1700! On a compté jusqu’à trois moulins alimentés par les rapides à cet endroit, en faisant le plus important complexe industriel de la région à cette époque. Aujourd’hui, il ne reste que des bouts de murs et des turbines plus récentes, dans un aménagement qui aurait grandement besoin d’être restauré pour retrouver son attrait d’il y a quelques années…
Le Paddington Reservoir Garden de Sydney, en Australie, montre mieux ce que pourrait être une restauration en parc réussie… Cette ancienne infrastructure industrielle a été un réservoir d’eau potable jusqu’en 1899 avant de devenir un garage. Plusieurs transformations plus tard, c’est aujourd’hui un magnifique parc de quartier, sur deux niveaux, où il fait bon s’arrêter.
Imaginé comme un mélange des anciens thermes de Rome et des jardins suspendus de Babylone, les jardins du réservoir de Paddington sont accessibles gratuitement depuis 2009.
Modifiées en haut lieu du nightlife
La New City Gas of Montreal, inaugurée en 1861, produisait et distribuait du gaz produit à partir de… charbon! Le gaz ainsi produit permettait à certaines usines de fonctionner le jour comme la nuit, en plus d’éclairer les rues de la Ville. Alors, pour faire la preuve que le monde évolue, on a recyclé cette mission d’éclairer les nuits de Montréal, en 2012, pour y installer une immense salle de spectacle multi-fonctionnelle! Mentionnons qu’avant cela, plus de 100 films avaient été tournés sur les lieux, dont The Score, Les aimants, Confessions of a Dangerous Mind et The Bone Collector…
Réutilisées pour des usages mixtes
J’ai découvert le Bâtiment 7 par sa brasserie, les sans-taverne, ouverte depuis 2018. Situé au fond de Pointe-Saint-Charles, le projet est des plus impressionnant! Mené par des citoyens du coin qui se battaient depuis des années pour récupérer à des fins communautaires ce bâtiment qui abritait les anciens ateliers ferroviaires du Canadien National, on y trouve aujourd’hui, de façon totalement autogérée, la brasserie, un petit marché, des ateliers de toutes sortes… Et surtout, un grand rêve de créer un modèle de transformation culturelle, sociale, politique, économique et environnementale pour Pointe-Saint-Charles, qui rayonne à travers le monde! Rien de moins.
Comme vous le voyez, Montréal ne manque pas d’imagination quand vient le temps de mettre de l’avant son patrimoine industriel, tout en le dépoussiérant. Des possibilités, et des vieilles usines désaffectées à transformer, il y en a encore plein. Comme l’incinérateur Des Carrières, dont je vous ai déjà parlé…
Je rêve de voir émerger un projet qui ferait rayonner Montréal à l’international comme le fait le Tate Modern pour Londres. Pour ça, il faudra être encore plus ambitieux qu’on ne l’a été jusqu’à maintenant.
Enfin, soulignons que de convertir une usine par ci, par là, c’est bien. Mais Montréal compte aussi plusieurs quartiers industriels qui pourraient être revalorisés avec originalité. C’est la réflexion à laquelle je vous invitais avec mon texte Étonnants recyclages de sites industriels. Parce que, j’en suis sûr, Montréal n’a pas fini de nous étonner!
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