Vous serez sûrement aussi surpris que moi de découvrir tous les petits boisés qui pourraient encore être protégés sur l’île de Montréal. Et pas seulement dans l’Ouest! On parle souvent de l’importance de préserver la biodiversité, d’augmenter le nombre d’arbres en ville, de lutter contre les changements climatiques… Mais si nous débutions par protéger ce qui nous reste de nature sauvage sur l’île?
Je vous propose donc une recension non exhaustive des boisés de l’île de Montréal. Quelques-uns sont protégés, mais à mon grand étonnement, plusieurs ne le sont pas du tout. Les citadins qui les fréquentent vous le diront: pouvoir profiter d’un boisé dans son quartier est un moyen efficace pour rester connecté à la nature. Il offre de plus un lieu d’évasion nécessaire pour compenser l’effervescence de la ville et rend, en parallèle, des services environnementaux essentiels à la municipalité.
C’est aussi le milieu de vie d’une impressionnante biodiversité. En effet, les espaces naturels de Montréal abritent :
- plus de 1000 espèces de plantes
- plus de 270 espèces de papillons
- plus de 300 espèces d’oiseaux
- au moins 13 espèces d’amphibiens
- au moins 8 espèces de reptiles
- et une vingtaine d’espèces de mammifères
La Convention de l’ONU sur la diversité biologique, dont le Secrétariat est basé à Montréal rappelons-le, prépare un grand sommet qui doit se tenir en Chine en octobre prochain. On veut y statuer que d’ici 2030, les États membres protègent au moins 30% de leur superficie terrestre et marine. Normal quand on sait que près de 40% de la réduction des gaz à effet de serre nécessaire pour contrôler les changements climatiques pourrait être obtenue grâce à des « solutions nature » comme la protection des écosystèmes…
Mais puisque le Secrétariat est à Montréal, pourrait-on penser être exemplaire et se donner des objectifs ambitieux de protection de nos derniers espaces naturels en ville? Et je ne parle pas ici des parcs à la pelouse bien entretenue, avec quelques arbres ça et là, mais bien de milieux naturels, un peu sauvages même, comme ceux qui agrémentent encore discrètement les quartiers de notre ville, mais qui sont menacés.
Le parc cache-t-il la forêt?
Dans un milieu très urbanisé comme Montréal, il est important de créer un équilibre entre la préservation de la nature et l’accessibilité pour les citoyens. C’est le défi que tente de surmonter le réseau des Parcs-nature de l’île. Là, on tente de protéger et d’éduquer, sans altérer. Un exercice important puisqu’on fait encore aujourd’hui des découvertes fascinantes dans nos Parcs-nature, comme la fois où a été retrouvé une espèce indigène de plante, le Carex echinodes, qui n’avait pas été observé au Québec depuis une centaine d’années!
Protéger et éduquer, c’est aussi ce qui se passe dans le Parc du Mont-Royal, le Parc Jean-Drapeau, le Parc Frédéric-Back, le Parc Angrignon et les quelques autres grands parcs qui comptent une partie boisée. Tout en y faisant plus de place aux activités humaines… C’est important que les citoyens aient accès à la nature, mais ces parcs ne suffisent pas.
« Moins il y a d’espaces verts en milieux urbain, plus les incidences de maladies respiratoires et mentales sont observées auprès de la population, selon de nombreuses études. Il faut savoir que pour plusieurs citadins, le seul contact avec la nature est établit avec l’arbre qu’ils trouvent dans leur rues. Plusieurs résidents ne sortent jamais de l’île de Montréal »
Cette citation dépeint la réalité d’une part non négligeable de nos voisins. Il faut aussi noter qu’une part de plus en plus importante de la population s’intéresse aux « bains de forêt », le fameux Shinrin Yoku japonais, appelé ici sylvothérapie. C’est une pratique qui utilise le calme de la forêt, et les bienfaits supposés de certaines molécules produites par les arbres, pour traiter certains maux de notre société, encore trop axée sur la performance. Avouez que c’est en ville qu’on en a le plus besoin!
Mais malgré les parcs-nature et l’effet bénéfique des arbres sur notre santé, peu de protection est offerte aux forêts de Montréal. La carte des aires protégées du Ministère de l’Environnement ne recense sur l’île de Montréal que 5 très petites aires protégées reconnues et moins d’une dizaine de milieux naturels de conservation volontaire. Bien que la carte stipule que « d’autres milieux naturels protégés peuvent exister, sans toutefois être inscrits », c’est bien peu pour la ville où siège le Secrétariat de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique…
Un répertoire municipal avait aussi été prévu, mais à ma connaissance, il n’a pas encore été créé… Alors que le Plan Climat prévoit de faire passer de 6,1% à 10% la superficie terrestre réservée aux aires protégées sur l’île de Montréal, un tel répertoire pourrait permettre aux Montréalais de suivre l’évolution de cet engagement et de proposer de nouveaux boisés à y inscrire.
C’est dans cet esprit de conservation que j’ai élaboré ma propre recension des boisés de Montréal qui ne semblent pas profiter de protection, alors qu’ils sont très appréciés de leurs riverains. L’exercice n’est pas exhaustif et si certains des boisés identifiés ici sont protégés d’une manière ou d’une autre, c’est tant mieux! Mon but est de les faire connaître et d’inciter leurs riverains à contribuer activement à leur préservation. Parce que si les boisés au bord de l’eau sont bien connus et très appréciés, ceux qui se cachent dans les recoins de la ville le sont beaucoup moins.
Découvrons-les maintenant, par quartier.
Les boisés d’Ahuntsic-Cartierville
Le Parc-du-Boisé-de-Saint-Sulpice mérite d’être le premier de cette liste puisque s’il existe encore aujourd’hui, c’est grâce à la mobilisation des citoyens. Situé sur l’ancien domaine seigneurial de Saint-Sulpice, cette forêt est le vestige d’une autre époque. Il a en effet survécu parce que des gens se sont organisés pour que la Ville en fasse un parc, en 1990. Et depuis, d’autres se mobilisent pour qu’il conserve son intégrité écologique, comme en témoigne ce mémoire de 2004 ou ce texte de blogue de 2020, qui rappelle que de nombreux défis existent toujours à ce sujet. Plus récemment encore, c’était au tour des étudiants du Collège Ahuntsic, voisin, de découvrir ce joyau à travers une intéressante initiative de pédagogie en plein air… Espérons que ce soit le prélude au sacrifice de quelques places de stationnement pour permettre au boisé de regagner un peu d’espace, pour que les classes n’y ajoutent pas une pression supplémentaire.
Autre cégep, autre boisé, celui du Parc René-Beauset. Situé derrière le Collège Bois-de-Boulogne, il est coincé entre un chemin de fer, l’Écocentre Acadie et un secteur résidentiel. Il aurait bien besoin qu’on lui laisse prendre de l’expansion vers le cégep. Qui semble d’ailleurs l’utiliser puisqu’au moins deux ruches y étaient installées lors de notre passage. Et si, comme le Collège Ahuntsic, on développait une approche écologique pour utiliser l’agrandissement du boisé à des fins pédagogiques? Car même s’il est petit, sa position stratégique le long de la voie ferrée lui confère un rôle qui pourrait être valorisé. Nous savons en effet que les animaux profitent de ces corridors pour circuler en ville, à l’abri des voitures…
Tout près il y a les deux boisés du Parc Marcelin-Wilson qui mériteraient aussi d’être mieux mis en valeur. Celui qui est bordé par les boulevards Henri-Bourassa et de L’Acadie pourrait, par exemple, reprendre ses droits sur la pelouse un peu triste qui l’ampute de près de la moitié de l’espace qu’il pourrait occuper. J’imagine un réseaux de sentier préalablement développé pour laisser la nature reprendre ses droits. Il suffirait de ne plus couper rien de ce qui pousse, sauf les plantes envahissantes ou nuisibles, pour voir faire la nature, sur plusieurs décennies. Ce serait un projet évolutif fascinant, vous ne trouvez pas?
L’arrondissement Ahuntsic-Cartierville compte de nombreux autres boisés le long de la Rivière-des-Prairies. Ceux-là me semblent moins menacés que ceux qui subissent la pression de l’urbanisation, au coeur de l’île, j’ai donc choisi de ne pas les inclure dans ce texte, consacré aux boisés qui me semblent menacés.
Les parcs du Plateau
À l’image des citoyens qui se sont battus pour préserver le boisé Saint-Sulpice, il y en a d’autres qui se sont mobilisés pour garder le terrain vague qui leur servait de cour arrière, dans le Mile-End : le Champ des Possibles! Ce terrain contaminé, le long de la voie ferrée qui sépare Le Plateau de la Petite-Patrie, est un havre de paix au milieu de la vie grouillante de la ville. Un bien précieux! L’idée de départ était de n’y faire aucune intervention d’aménagement et de plutôt laisser la nature faire. Protégé par un changement de zonage, cet espace est cogéré par l’arrondissement et les Amis du Champs des Possibles, une association assez unique. Les utilisateurs du Champs des Possibles ont aussi créé un catalogue de la biodiversité impressionnante observée sur le site : 217 espèces de plantes, 143 insectes, 35 oiseaux, 11 mammifères et 17 autres espèces (champignons etc.), pour un total de 423 espèces! Sur un seul petit terrain au coeur de la ville…
Le jardin Notman, ancien jardin de l’hospice St. Margaret qui avait été aménagé pour servir de lieu de repos à ses résidents, a une riche histoire. C’est donc autant pour son aspect naturel que patrimonial que des citoyens se battent pour le protéger de la destruction depuis des années. Minuscule boisé, il compte quelques arbres centenaires, rares dans un secteur aussi urbanisé que les abords de la rue Sherbrooke. Acquis par la Ville en 2018, ce boisé est appelé à être transformé en parc au cours des prochaines années.
Même si Le Plateau semble ne plus compter de terrain disponible pour être protégé, on y trouve pourtant un intéressant terrain vague légèrement boisé au carrefour du boulevard Saint-Joseph, de la voie ferré et de la rue d’Iberville. Bien enclavé, il pourrait devenir un espace de conservation intéressant, à un endroit où personne ne passe, permettant à la nature d’évoluer en paix.
La nature de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve
La frontière Ouest du secteur Mercier longe un terrain en pente parfois difficilement constructible. C’est là que survivent le Boisé Jean-Milot (derrière les Halles d’Anjou) et le Parc Francesca-Cabrini. Juste à côté s’ajoute le Bois-des-Pères, mais je vous en parlerai dans quelques instants. Le Boisé Jean-Milot est le plus intéressant des trois selon moi. Avec son petit marais et sa passerelle, c’est un secret bien caché derrière les stationnements des édifices commerciaux et industriels qui l’étouffent. Comme pour d’autres espaces verts mentionnés ici, il est l’oeuvre d’un groupe de citoyens, le Comité de surveillance Louis-Riel, qui l’entretient et le protège depuis les années 90. Ce boisé pourrait encore être agrandi du côté de l’arrondissement Saint-Léonard. Mais rien ne semble se passer de ce côté-là de la frontière, malheureusement…
Du Boisé Jean-Milot au Bois-des-Pères, des citoyens se mobilisent pour un projet qu’ils ont nommé le Parc-nature du Ruisseau-de-la-Grande-Prairie. Ils ont bien raison de travailler sur un corridor vert comme celui-ci et nous rappellent que c’est la trame verte de l’île qu’il faut protéger… Mais ça mériterait un autre texte, donc restons sur la recension des forêts qui méritent d’être protégées.
Le plus gros boisé de Mercier est situé dans le Parc Thomas-Chapais. Cet impressionnant rassemblement d’arbres donne vraiment l’impression aux promeneurs d’être en forêt. Loin des grandes routes, il permet de n’entendre que ce qui se passe sur place. C’est une chance qu’on ne peut vivre qu’à de très rares endroits sur l’île. C’est aussi un autre boisé protégé par ses riverains, comme ceux précédemment mentionnés. C’est à se demander pourquoi le statut d’aire protégée reconnue du Ministère de l’Environnement n’est pas plus souvent octroyé.
Plusieurs batailles se mènent toujours pour protéger d’autres forêts, dont un chapelet de grands espaces zonés industriels que tente de sauvegarder le groupe Mobilisation 6600, entre autres. Deux consultations publiques ont eu lieu pour planifier le développement de ce secteur à la frontière entre Hochelaga-Maisonneuve et Mercier, mais rien n’indique que la protection des boisés fera partie des solutions envisagées. Et pourtant, Google map montre bien le potentiel de ces endroits. Le Boisé Beni-Ana (en haut à gauche) pourrait devenir le coeur d’un secteur agréable à vivre et à travailler, avec ses 2 hectares. Ensuite, il y a le Boisé L’Assomption, au sud de la station du même nom, qui pourrait doter le secteur d’un autre boisé de 2 hectares. Mais c’est vraiment le Boisé Steinberg, avec ses 6 hectares, qui offre le plus bel environnement. Pratiquement sans aménagements, il serait très agréable de s’y promener si on se donnait la peine de l’ouvrir au public… Enfin, en bas à droite de l’image, on voit le Boisée Vimont, utilisé de longue date par les riverains comme parc, mais qui vient tout juste d’être désigné comme tel par l’arrondissement. Un pas dans la bonne direction.
C’est donc un très grand ensemble d’espaces sauvages qui pourraient être valorisés et protégés dans ce seul secteur de la ville, avec des boisés existants, sans plantation d’arbres nécessaire pour les développer, puisque la nature a déjà tout fait. Et ce, depuis plus de 40 ans… C’est la pandémie qui me les a fait connaître, lorsqu’on nous demandait de ne pas se déplacer d’un quartier à l’autre pour éviter la propagation de la COVID. Une fois les rues du secteur explorées à plus soif, j’ai suivi des gens qui s’y rendaient en couple, avec leurs enfants ou leur chien, pour découvrir ces espaces prisés des citoyens, qui allaient y trouver fraîcheur et calme. Les lignes vertes foncées (sur la carte) sont les deux chemins de traverse qui servent à s’y déplacer. Normal, l’axe Est-Ouest prolonge l’Antenne Longue-Pointe, un lien piéton important du quartier, dont j’ai déjà parlé ici : Aurons-nous un High Line montréalais?
Ce serait tentant d’y créer un High Line montréalais puisque l’emprise ferroviaire est abandonnée depuis des années, donnant ces espaces uniques où nature et rails cohabitent pour offrir un lieu de détente des plus étonnants! Si on ose garder cet authentique espace tel quel, plutôt que de le dénaturer et en faire un sentier sans âme… Ce secteur en cours de reforestation regorge d’oiseaux, passant des parulines jaunes aux jaseurs d’Amérique. La protection de leur habitat reste une bataille à finir…
Les friches de Ville-Marie
Dans n’importe quelle ville, les alentours des chemins de fer sont les derniers endroits à être développés. L’arrondissement du centre-ville n’échappe pas à cette réalité et compte, au Sud de la rue Ontario tout juste à la frontière d’Hochelaga, un grand terrain vague coincé entre la voie ferrée et des arrières-cours. Il y a poussé une jolie petite forêt émeraude qui pourrait devenir un grand parc, dans un secteur qui n’en compte pas. Comme celui du Plateau, il est bien caché, probablement oublié, et ne semble pas avoir trouvé de regroupement pour le défendre.
Étonnamment, c’est aussi le cas d’un autre lieu… Lors de l’Expo67, la Cité du Havre était une section importante pour les visiteurs, comprenant la Place des Rapides, maintenant disparue. Celle-ci, laissée en friche depuis, a vu se développer un petit boisé donnant sur le fleuve qui pourrait devenir un vrai trésor si on se donnait la peine de la recréer. Plus de 50 ans après avoir sombré dans l’oubli, cette place mériterait de retrouver sa vocation première, presque patrimoniale. On pourrait même s’inspirer des grands enjeux du 21e siècle pour en planifier la renaissance, autour des services que rendent la nature à la Terre des Hommes…
Les forêts de Rosemont
Je connais le Bois-des-Pères depuis des décennies et bien qu’il soit régulièrement dans l’actualité pour les agissements de l’hôpital voisin, certains intervenants affirment encore que c’est la première fois qu’ils en entendent parler. Pourtant, des recherches permettent de savoir que des citoyens se battent pour sa protection au moins depuis le début des années 80… Retracer les péripéties de la protection de ce petit boisé serait trop long, mais ajoutons qu’il pourrait être bonifié si l’hôpital arrêtait de l’étouffer en se développant toujours plus proche ou si on lui adjoignait le bout de la forêt voisine, non protégée, qui appartient toujours aux Frères Franciscains.
Situé à quelques pas du Bois-des-Pères, le Boisé du Village Olympique est méconnu car bien caché derrière les fameuses pyramides. Il offre quand même un espace unique aux résidents du secteur et mériterait d’être protégé lui aussi. Ça créerait un lien vert de 5 km, presque continu, entre le Jardin botanique, le Parc Maisonneuve, le Golf municipal, le Boisé du Village Olympique, le Bois-des-Pères, le Parc Francesca-Cabrini, le Parc Félix-Leclerc et le Boisé Jean-Milot.
Anjou sur le Lac
Un peu plus au Nord, Anjou sur le Lac, un développement immobilier inhabituel sur l’île, est composé d’un long lac étroit, bordé sur un côté par un parc linéaire, le tout entouré de maisons cossues. C’est un endroit très agréable et visiblement, son développement n’est pas complété. Au Nord, sur un peu moins que le quart du lac, aucune maison ni sentier n’ont été construits, attendant un futur développement depuis des années. Et si on laissait la nature reprendre ses droits sur cette section? Ce serait logique puisque cet espace vert est dans la continuité du Parc-nature du Ruisseau-De Montigny, un des trésors de l’île puisqu’il permet de préserver un des derniers ruisseaux de Montréal.
Le Grand parc de l’Est à Rivière-des-Prairies
La Ville étudie la possibilité de créer, comme elle l’a annoncé pour l’Ouest, un Grand parc de l’Est. Normal, c’est aux extrémités de l’île où il est le plus facile de créer de grands ensembles de milieux naturels. Cette fois-ci, on se baserait sur le Parc-nature du Bois-d’Anjou et le Parc-Nature de la Pointe-aux-Prairies pour constituer la base de ce futur grand parc. Et il y a de bonnes nouvelles pour ce projet! Plusieurs espaces verts sont disponibles pour être protégés et certains ont même été achetés par la Ville ces dernières années.
Comme dans le secteur de Boscoville, où la Ville a acheté un boisé de plus de 3 hectares qui aurait sinon été voué au développement. La Ville peut, depuis quelques années, profiter d’un statut de premier acheteur lors de la vente d’un terrain sur son territoire. Un pouvoir important, octroyé par le gouvernement du Québec, qui peut et doit être utilisé pour atteindre l’objectif de 10% de la superficie de l’île de Montréal réservée aux aires protégées… Puisque nous en sommes encore à moins de 7%, il faudra probablement utiliser ce droit plus souvent!
En 2009, le Parc René-Masson a fait l’objet d’une chaude lutte politique entre les élus: ceux qui désiraient la construction de bureaux pour l’arrondissement à même le milieu humide qui s’y trouve, et ceux de l’opposition. Ces derniers ont gagné et le parc a gardé son intégrité, sans être développé. C’est un exemple de cet autre moyen de protéger un boisé: élire des gens qui veulent les préserver. Plus de 10 ans plus tard, il serait temps de regarder juste à l’Est et au Sud, où deux autres boisés attendent leur tour…
Les Falaises de Côte-des-Neiges
Connaissez-vous le parc Marie-Gérin-Lajoie? Oasis de verdure, c’est un espace de calme qui fait la joie des citoyens du coin. Cette petite forêt triangulaire, pas très loin du Mont-Royal, est un parc sans histoire si on en croit internet. Bataille ou non pour le protéger, il fait aujourd’hui la démonstration qu’un petit bout de nature peut très bien trouver sa place dans un quartier dense.
Tiohtià:ke Otsira’kéhne (ce qui veut dire : autour du feu, sur l’île où le groupe se sépare) est le nom donné au parc près du sommet d’Outremont du Mont-Royal. Ce sommet, un des trois de la montagne, est partagé avec l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. C’est sur cette partie escarpée que l’Université de Montréal a offert à la Ville un bail emphytéotique pour la protection d’un boisé. Bien que l’Université semble avoir joué un rôle positif dans la protection de la très grande section de boisé qui se trouve sur ses terrains, il reste beaucoup de travail à faire pour renverser la tendance à gruger sur les espaces naturels de la montagne pour faire plus de place à l’auto… Il y a ça et là des stationnements lorsqu’on grimpe vers l’emblématique pavillon de cette université qui mériteraient d’être repensés, réduits ou au moins, verdis.
Même la cartographie de la valeur écologique des milieux naturels de l’Université de Montréal m’apparaît inutilement sévère. Comme si on ne voulait pas reconnaître la valeur écologique d’une importante portion des espaces verts… Il suffirait pourtant de laisser la nature gruger lentement les pelouses et reprendre ses droits pour faire toute une différence! La protection de la biodiversité de l’endroit, où j’ai observé plusieurs espèces de papillons, d’oiseaux et même des couleuvres, mériterait d’être au coeur de toutes les décisions de l’Université concernant son développement à flan de montagne…
L’École des Hautes études commerciales (HEC) profite aussi d’un boisé unique, qui la sépare du Collège Jean-de-Brébeuf. De la cafétéria des HEC, on en a une vue magnifique! Mais quel est son niveau de protection?
Dans Côte-des-Neiges comme dans l’ensemble des secteurs entourant le Mont-Royal, il me semble que nous devrions mettre les bouchées doubles pour protéger définitivement les espaces verts. Et pourquoi ne pas aussi inverser les effets de l’urbanisation au profit d’un reboisement naturel, où on laisserait la nature faire son œuvre, sur des terrains où on abandonnerait les activités industrielles ou commerciales, comme les Ateliers de la cour Côte-des-Neiges?
Saint-Laurent la verte
En introduction, je mentionnais un répertoire municipal des aires protégées… Si je ne l’ai pas trouvé, j’ai au moins une trace qu’il existe quelque part, puisqu’il a été mis à jour concernant l’agrandissement de la zone de conservation du parc Marcel-Laurin, en 2019. C’est effectivement un parc contenant un boisé assez exemplaire, à la fois pour son état de préservation et son aménagement. Quelques panneaux éducatifs, des sentiers bien balisés, de grands secteurs inaccessibles pour laisser la biodiversité en profiter. Un vrai bijou.
Au Sud et à l’Ouest du Parc Philippe-Laheurte deux autres grands boisés ne semblent pas destinés à un aussi bel avenir. Zones tampons entre des secteurs industriels et résidentiels, ils suffiraient à doubler la superficie protégée par le Parc Marcel-Laurin, voisin. Jouissant d’un développement résidentiel continu depuis des années, ces deux boisés pourraient être un legs intéressant à considérer pour l’arrondissement!
Un autre secteur boisé subsiste à la jonction Nord-Est de la Transcanadienne et de Cavendish, au coeur d’un immense îlot de chaleur. Il semble inintéressant pour devenir un parc, mais pourrait-il offrir un refuge aux oiseaux de passage sur l’île ou à d’autres espèces? J’en parlais en introduction, il est important d’avoir des parcs pour les résidents, un accès à la nature en ville, mais aussi des espaces naturels pour permettre à la faune et la flore de l’île de se maintenir…
Terminons cette recension avec un gros morceau: le Technoparc. Voisin de l’aéroport, cet étonnant milieu naturel de 215 hectares (!) abrite plus de 200 espèces d’oiseaux, plus de 40 espèces de vertébrés (mammifères, amphibiens et poissons), plus de 110 espèces d’insectes et d’invertébrés et plus de 200 espèces végétales. Ce site majeur, qui compte un marais qui s’est malheureusement trouvé récemment dans l’actualité, potentiellement asséché par les travaux du REM, est menacé. Alors que ma recension compte surtout des boisés de 2 ou 3 hectares, ici on parle de cent fois plus gros! Un groupe de citoyens, Technoparc Oiseaux, fait un travail exceptionnel pour faire connaître ce vaste terrain. Mais alors que le plus récent rapport du GIEC sur les changements climatiques nous invite à passer à la vitesse supérieure pour limiter les impacts de nos activités, que se passe-t-il concrètement pour protéger véritablement ce boisé et son marais?
Les greens de l’île
Le Technoparc est à coup sûr un lieu à préserver pour atteindre les objectifs d’aires protégées sur l’île de Montréal, mais il y a un voisin de cet espace naturel qui illustre un des plus gros problèmes actuels pour les municipalités qui décident d’aller de l’avant en ce sens : un terrain de golf. Alors que la pratique de ce sport décline rapidement, ce sont des milliers d’hectares d’espaces verts qui sont menacés d’être prochainement développés dans la région! Plusieurs municipalités se battent pour aménager des parcs dans les golfs lorsqu’ils ferment, mais les batailles juridiques sont aussi longues que ridicules dans le contexte actuel… Ce sont déjà des espaces verts, pourquoi les laisser disparaître? Sur toute l’île de Montréal, c’est un enjeu pressant. Tout comme ailleurs dans la région. Alors qu’il serait si simple de se doter d’un mécanisme national permettant de préserver ces « greens »… Du golf d’Anjou à celui de Meadowbrook et du golf de l’Île-des-Soeurs à celui de Rivière-des-Prairies, ce seraient la clé de voûte qui permettrait d’espérer dépasser l’objectif de protéger du développement 10% du territoire de l’île. Et si on se donnait la peine de régler enfin la question du zonage et de la valeur foncière de ces espaces verts?
Avec toutes les possibilités d’espaces naturels à protéger évoqués dans ce texte, il est évident qu’il y a de la place pour agir! Et pour dépasser l’objectif de 10% d’aires protégées sur l’île de Montréal. Surtout que ma recension est loin d’être exhaustive. De nombreux autres boisés de l’île n’attendent qu’à être respectés pour ce qu’ils sont, des joyaux rares à chérir! Les moyens de les sauvegarder, présentés tout au long de ce texte, sont aussi nombreux : mobilisation citoyenne, achat, zonage, décision politique…
À ce sujet, il serait temps que les gouvernements supérieurs investissent de l’énergie, développent les législations nécessaires à ces efforts et prévoient des fonds pour faire de Montréal une ville modèle à l’international sur cette question!
Pour faire notre part dans la lutte aux changements climatiques, pour léguer aux générations futures une île au moins aussi verte qu’aujourd’hui et pour donner du sens à la présence, au coeur de notre ville, du Secrétariat de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique, il faut agir!
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Quel formidable recensement de nos précieux boisés. Il est absolument impératif de nous mobiliser pour les préserver.
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Je ne connais pas suffisamment Montréal ni tous ces boisés, mais je salue le très beau travail d’inventaire !
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Je pense que c’est René Beauset le parc derrière le collège bois-de-Boulogne, pas Beaudet. Superbe travail, merci.
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Merci, vous avez l’oeil! C’est maintenant corrigé.
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Wow bravo pour ce beau travail.
Ce serait intéressant de faire le même exercice pour Longueuil, peut-être avec l’aide de Tommy Montpetit!
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