L’architecture Beaux-Arts à Montréal

Elle a caractérisé les édifices gouvernementaux et institutionnels pendant presque cent ans, nous laissant en héritage plusieurs édifices emblématiques. L’architecture Beaux-Arts est bien présente à Montréal et se reconnaît aisément à sa symétrie, ses emprunts à l’architecture de la Grèce antique et de l’Empire romain, en y intégrant différentes influences plus flamboyantes, tout en assumant une liberté certaine face aux codes anciens.

Apparu après 1860 à Paris, ce style architectural a été très populaire en Amérique, jusque dans les années 30. Justement à l’époque où Montréal était la métropole du Canada et jouissait d’une croissance soutenue de sa population comme de son économie… Pas surprenant, donc, que même l’hôtel de Ville, construit à partir de 1872, en soit imprégné (avec un mélange de style Second Empire et Beaux-Arts).

Un bel ensemble : Maisonneuve

Mais avant de vous montrer quelques exemples de l’architecture Beaux-Arts qu’on peut toujours admirer dans le Vieux-Montréal, attardons-nous sur l’ex-municipalité de Maisonneuve. Fondée en 1883 (et annexée à Montréal en 1918), ce quartier rassemble toujours aujourd’hui un des plus beaux ensemble d’édifices Beaux-Arts du Québec! Particulièrement marquant parce qu’il a été pensé comme un tout, cohérent, servant à magnifier la Ville.

Lorsqu’en 1883 la municipalité d’Hochelaga décide de s’annexer à Montréal, de grands propriétaires terriens francophones décident de fonder une nouvelle ville, à l’est : Maisonneuve. Ambitieux, ils créent en quelques années le 5e pôle industriel du Canada et veulent en faire une cité-jardin. Pour y arriver, ils créent au nord l’immense Parc Maisonneuve et construisent plusieurs bâtiments publics de prestige pour embellir la ville. Voici les plus marquants.

L’ancien hôtel de ville de Maisonneuve, aujourd’hui en restauration pour agrandir la bibliothèque qu’il abrite, est toujours aussi magnifique. 110 ans après sa construction, on y ajoute sur les côtés deux ailes transparentes qui feront tripler la surface de la bibliothèque…

Mais il est loin d’être le seul atout du quartier, car le Marché Maisonneuve se dresse dignement à quelques coins de rues.

Voisin, le Bain Morgan est toujours une piscine publique et ce, depuis 1916! Ses statues sont d’une grande beauté, tout comme le travail de ses ouvertures. Un autre bel exemple du style Beaux-Arts.

Le Théâtre Denise-Pelletier, au bout de la majestueuse avenue Morgan, continue lui aussi d’amuser et d’émouvoir le public, depuis presque cent ans. À l’origine, c’était le Théâtre Granada, un cinéma.

Notons de plus l’ancienne banque de Toronto, sur la rue Ontario, couverte de céramiques vernissées blanches, qui témoigne, avec l’ancienne Banque Molson voisine, de l’importance de la municipalité, 5e pôle industriel du Canada, pour le monde des affaires.

Enfin, l’incontournable Château Dufresne, aujourd’hui un musée qui fascine autant de l’extérieur que de l’intérieur, offre une autre perspective sur les qualités de ce style architectural, rarement utilisé pour des habitations.

C’est donc un ensemble exceptionnel d’édifices Beaux-Arts qu’on peut voir dans le quartier Maisonneuve, en parcourant un circuit simple. En moins de 2km, il suffit de partir des coins Sherbrooke et Pie-IX, pour descendre sur Ontario, tourner vers l’Est jusqu’à l’avenue Morgan, puis descendre jusqu’à Sainte-Catherine, pour voir tous ces édifices et croiser de nombreux autres bâtiments d’exception, anciens comme modernes.

Là où est né Montréal

Dans le Vieux-Montréal, il n’y a pas que l’hôtel de ville qui témoigne du riche héritage de l’architecture Beaux-Arts. En diagonale avec lui, l’édifice Ernest-Cormier, construit de 1921 à 1926, se démarque lui aussi…

Plus sobre, le Théâtre Centaur loge dans l’ancienne bourse de Montréal. C’est en 1974 que le théâtre prend le relais, mais, compte tenu des nombreux théâtres qui sont de style Beaux-Arts, on dirait qu’il y loge depuis toujours.

Le foisonnement de détails de l’édifice London and Lancashire Life, du nom de la compagnie d’assurance britannique qui le fait construire en 1898, annonce le prestige qu’on veut associer à cette construction de style Beaux-Arts du Vieux-Montréal.

Un autre édifice initialement voué au commerce partage la même architecture, l’Édifice des Douanes. Étroitement associé à l’augmentation des échanges commerciaux, cet élégant mastodonte témoigne de l’importance de Montréal à l’époque de son inauguration, en 1916.

Il y a d’autres exemples de l’architecture Beaux-Arts dans le Vieux-Montréal, mais je vais m’arrêter avec la tour de l’horloge du Vieux-Port, unique en son genre. Centenaire, elle commémore depuis 1922 les marins de la marine marchande morts durant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui c’est aussi une tour d’observation pour celles et ceux qui osent gravir ses 192 marches…

L’expansion du centre de Montréal

Alors que le centre-ville a besoin d’espace et se déplace progressivement vers le nord, diverses constructions de style Beaux-Arts poussent en périphérie du Vieux-Montréal. C’est le cas de la Southam Printing. Devenue aujourd’hui les Lofts Southam, sa façade est magnifique.

Un peu plus au nord, la Dominion Bank adopte aussi ce style architectural, mais dans une forme plus sobre.

L’édifice du magasin Morgan (aujourd’hui La Baie) profite d’un agrandissement en 1923 qui lui ajoute, dans sa partie arrière, 8 étages de style Beaux-Arts. Un ajout qui témoigne de la grande versatilité de ce style quand vient le temps de le juxtaposer à un autre…

Des constructions inspirées du style Beaux-Arts sont édifiées un peu partout autour du centre-ville. À l’est, l’édifice Gaston-Miron, l’ancienne bibliothèque centrale de Montréal, est un de ceux-là.

Au centre, l’édifice Camille-Laurin, qui abritait jusqu’à récemment l’Office québécois de la langue française, nécessite des travaux d’entretien majeur… Un peu comme la bibliothèque Saint-Sulpice, un autre édifice Beaux-Arts pour lequel nous devrions investir. Car ces constructions marquent leur quartier et y ajoutent tellement de beauté!

Le Pavillon Sherbrooke de l’UQAM est un autre témoignage éloquent des legs de ce style à Montréal. Monumental, classique et vénérable, il ajoute du prestige au campus des sciences de l’université.

À l’ouest maintenant, plusieurs constructions Beaux-Arts se démarquent, en débutant par l’édifice Dominion Square, érigé en 1930. L’élégant intérieur, accessible au public, mérite d’ailleurs d’être visité…

Incontournable, le Ritz-Carlton est un autre édifice Beaux-Arts marquant de Montréal. Et un autre sur lequel s’est greffé un ajout moderne, sans dénaturer l’ensemble.

L’édifice initial du complexe du Musée des Beaux-Arts de Montréal, sobre mais majestueux, est un point de repère de l’ouest du centre-ville depuis 1912. Ses colonnes, taillées dans un seul bloc de marbre, mettent en scène les œuvres que le musée expose à l’extérieur. Précisons en passant qu’il faut savoir distinguer l’architecture Beaux-Arts, un style utilisé des années 1860 à la décennie 1930, de la tradition académique des beaux-arts, un ensemble de disciplines artistiques qui inclus, entre autres, le dessin, la peinture, la sculpture, la musique, et qu’on retrouve à l’intérieur du Musée.

Un peu plus loin, le temple maçonnique de Montréal est un autre édifice emblématique de l’ouest du centre-ville.

L’architecture Beaux-Arts s’affirme aussi au nord du centre-ville. On la trouve dans un rare exemple de maison utilisant ce style, la Maison Charles-Rudolph-Hosmer dans le quartier Golden Square Miles, le Mille carré doré, sur les flancs du Mont-Royal.

Un des derniers édifices de style Beaux-Arts construit à Montréal est aussi un de ceux qui montre le plus l’étendue des possibilités de ce style architectural. Entre les édifices classiques à colonnes et le Chalet du parc du Mont-Royal, il y a toute une différence. Mais les marqueurs de ce style sont là : symétrie, flamboyance dans ses éléments décoratifs, fenêtres et portes cintrées…

Quelques touches Beaux-Arts ici et là…

Je le disais en introduction de ce texte, l’âge d’or du style Beaux-Arts coïncide avec l’époque où Montréal était la métropole du Canada et jouissait d’une croissance soutenue de sa population comme de son économie. Tous les quartiers qui ont vu se construire des édifices de prestige avant 1930 sont donc susceptibles de compter quelques traces de ce style architectural dans leurs rues.

Le 1700 La poste, l’ancienne station postale F, à la frontière entre la Petite-Bourgogne et Griffintown, est un exemple de la richesse de la collection d’édifices Beaux-Arts de Montréal.

La caserne de pompiers 27, à Côte-des-Neiges, est un autre de ces témoignages. Très bel édifice, magnifiquement restauré.

Plus près du centre, le théâtre Espace Libre était initialement la caserne de pompier 19. Aujourd’hui surmontée d’un ajout moderne, elle a gardé tout son charme.

L’ancienne banque d’épargne de la Cité et du district de Montréal, sur du Parc, a profité d’une restauration il y a quelques années pour faire réapparaître sa façade originale de style Beaux-Arts, cachée depuis 1975! Il y en a beaucoup des jolies façades comme ça encore cachées aujourd’hui?

Un peu plus au nord, le fameux théâtre Rialto était à l’origine un cinéma, comme celui de l’ancienne ville de Maisonneuve. Que de détails sur sa façade!

Dernier exemple, mais non le moindre, l’école Nouvelle-Quesbes à Outremont mérite pleinement sa mention dans ce texte, tant sa prestance est importante. Cachée dans un secteur résidentiel et dissimulée par les arbres, cette école est magnifique.

Des legs méconnus

Comme vous l’avez vu, le patrimoine architectural du style Beaux-Arts à Montréal est exceptionnel. Pourtant, il est étonnamment difficile de faire la recension des constructions marquées par ce style. Un style parfois difficile à identifier, d’ailleurs… Je vous ai montré mes photos d’une trentaine de ces édifices, mais il y en a de nombreux autres!

Pour constituer ma liste, j’ai dû me référer à de nombreuses sources, mais aucune n’offrait de recension de plus que quelques adresses. Un répertoire serait tellement utile! Les édifices Beaux-Arts sont photogéniques, en plus d’être prestigieux et imposants. Pour les identifier, il faut s’improviser spécialiste, faire des recherches et se fier aux caractéristiques habituelles de l’architecture Beaux-Arts, soit :

l’utilisation de la symétrie
la présence d’éléments romains et grecs classiques (colonnes, corniches et frontons triangulaires)
un mélange éclectique d’éléments décoratifs
un rez-de-chaussée souvent élevé
l’utilisation d’œuvres d’art, coordonnées pour affirmer l’identité de l’édifice
la présence de fenêtres et de portes cintrées

Le style Beaux-Arts raconte une partie de l’histoire de Montréal, de ses aspirations et de ses espoirs. Il a pris fin avec la Grande Dépression, qui l’a fait apparaître exagéré et déconnecté, après le krach boursier de 1929. En parallèle se développait depuis quelques années un nouveau style, utilisant les innovations techniques pour se démarquer: l’Art déco. Mais ça c’est une autre histoire, dont je vous ai parlé dans ce texte.

Comme on le constate, les styles architecturaux nous racontent aussi bien l’histoire de l’art que celle de notre ville… Une carte pour les retrouver tous aurait un réel intérêt! Elle pourrait recenser les styles architecturaux qui marquent le paysage de Montréal et permettre d’identifier les principaux édifices qui les représentent… Ainsi, n’importe qui pourrait retracer l’histoire de son quartier à travers l’architecture et aller admirer les legs du passé présents dans son voisinage. L’idée est lancée!

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