Elles existent depuis 40 ans et il y en a maintenant plus de 400! Les ruelles vertes sont devenues, avec le temps, une composante importante de la vie de certains quartiers. Mais si le concept est plutôt clair dans l’esprit de n’importe quel Montréalais, une simple visite des lieux démontre que la réalité est parfois bien loin d’être à la hauteur…
Ces derniers mois, avec le blogueur de MesQuartiers, nous avons visité toutes les ruelles vertes répertoriées. Et il serait grand temps de faire un ménage dans cette appellation! Évidemment, il y en a qui correspondent aux attentes qu’on peut s’en faire. Le Top 20 des plus belles ruelles vertes de Montréal, publié sur MesQuartiers, en témoigne. Mais il y a une portion non négligeable des ruelles dites « vertes » qui n’ont de vert que le nom. Sur les 443 visitées, 54 n’offraient rien de plus que les autres ruelles de Montréal. C’est 12%! Abandonnées avec le temps ou en manque d’ambition, elles sont pourtant répertoriées parmi les plus remarquables, alors qu’elles ne le méritent pas.

Il y a une grande disparité entre les belles ruelles vertes et les moins belles… C’est pourquoi, lors de mes visites, il m’est venu l’idée d’écrire un texte sur le sujet, pour proposer des idées qui permettraient au programme de ruelles vertes de devenir un programme ambitieux, cohérent, qui pourrait rayonner à l’international, sans crainte d’avoir l’air surfait.
Et permettre à notre ville de mieux faire face aux changements climatiques!

Avant tout, une carte fiable!
Il existe différents répertoires de ruelles vertes. Le principal, proposé par le Regroupement des Éco-quartiers, en compte un peu plus de 360. Nous l’avons utilisé comme base pour notre exploration, en y ajoutant des ruelles découvertes dans d’autres répertoires. Par exemple, le Portfolio des ruelles vertes de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve en comptait 46, soit une dizaine de plus que celles recensées sur la carte du Regroupement des Éco-quartiers. Pour Montréal-Nord, qui n’est carrément pas représenté dans cette carte (alors qu’on y compte une dizaine de ruelles vertes), il a fallu nous rabattre sur un communiqué de l’arrondissement, d’ailleurs inexact. Les médias sociaux nous ont aussi aidés à en ajouter de nombreuses autres à notre propre recension.
Le premier problème du programme des ruelles vertes était identifié : il n’y a aucun répertoire fiable des ruelles vertes de Montréal!
La carte du Regroupement des Éco-quartiers, l’outil le plus évident pour régler ce problème, devrait être complétée par les répertoires des arrondissements, ce serait un premier pas essentiel.
À l’information parcellaire que propose chaque partenaire du programme, s’ajoute d’autres difficultés. En effet, on liste parfois des lieux qui ne sont pas du tout des ruelles. Terrains des habitations Dublin-Fortune dans Pointe-Saint-Charles, trottoirs de la rue « Préfontaine Verte » dans Hochelaga, fermeture de la Rue Eadie dans Ville-Émard, terrain vague sous le viaduc Notre-Dame dans le Vieux-Montréal, on liste généreusement des lieux qui n’ont rien à voir avec une ruelle.
À l’inverse, nous avons découvert par hasard une vingtaine de ruelles vertes non répertoriées, mais possédant l’affiche qui les identifient! Certaines semblaient anciennes, ce qui explique peut-être leur absence des répertoires? Ce phénomène touche malheureusement plusieurs arrondissements…

Montréal-Nord nous a offert un défi supplémentaire, en annonçant dans un communiqué des ruelles à l’Est de certaines rues, alors qu’elles étaient à l’Ouest! Il a fallu être persévérant pour les trouver! Presque tous les répertoires existants comportent de telles erreurs…
Le constat est simple : l’information est hautement déficiente.
L’Arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie se démarque toutefois, avec des cartes claires, montrant même les années de création de ses ruelles vertes!
Le besoin d’un répertoire fiable des ruelles vertes est en effet essentiel pour suivre leur évolution ou même, simplement, aller les visiter! Ce sont des investissements importants pour améliorer notre qualité de vie en ville, issus de l’effort des citoyens, des organismes communautaires et des arrondissements. Mais pour faire rayonner cet effort collectif, encore faut-il pouvoir dire combien de ruelles vertes la Ville compte et pouvoir les situer exactement sur une carte!
Ensuite, un concept clair
Ruelle verte… Aujourd’hui, le mot « vert » a une connotation. On pense immédiatement « verdissement ».
Il y a toutefois trois type de « ruelles vertes ». Les verdies, les socio-culturelles et les sécurisées. Si les deux premières cohabitent souvent, les ruelles sécurisées, qui comptent essentiellement des dos d’âne, sans autre aménagement notable, ne devraient pas selon moi être incluses dans la catégorie des ruelles vertes. Mais attardons-nous plutôt sur les ruelles véritablement verdies et sur celles qui peuvent être qualifiées de socio-culturelles.
À une époque sensible au « green washing », ou à l’écoblanchiment, le concept de ruelles vertes ne doit pas prêter trop facilement flan à la critique. Malheureusement, dans l’état actuel du réseau, n’importe qui qui ferait l’exercice d’en visiter une cinquantaine au hasard arriverait au constat qu’on se « pette les bretelles » avec nos ruelles supposément vertes…

Le blogueur de MesQuartiers, pour produire son Top, s’est doté de 5 critères liés à la nature pour les évaluer :
- Le couvert végétal au sol de la ruelle
- Le couvert végétal aérien
- Les fleurs
- Les fruits et légumes
- Les équipements (collecteurs d’eau, hôtels à insectes, mangeoires, etc.)
Chacun de ces critères lui permettait ensuite d’établir une note « nature » globale de 0 à 5.

16% des ruelles proposaient une si piètre performance sur ces critères qu’elles se sont mérité un 0. À l’autre extrême, seulement 13% se sont méritées 3 ou plus.
On ne peut donc pas dire que ce soit un grand succès pour la crédibilité de l’appellation ruelles « vertes »!
L’autre type de ruelle, la socio-culturelle, peut aussi se dire verte si on entend par là qu’elle contribue à un tissus urbain qui favorise le partage, l’entraide et le bon voisinage. Les valeurs de développement social n’étant jamais bien loin du développement durable… Pour les évaluer, le blogueur de MesQuartiers s’est là aussi doté de 5 critères :
- La présence d’une bibliothèque libre-service
- Les murales
- Les œuvres d’art créées par le voisinage
- Les bancs, tables ou babillards, favorisant les échanges
- La présence de jeux pour les enfants

35% ne proposaient rien favorisant une vie de ruelle (avec 0 comme note « socio-culturelle »), alors que seulement 11% se sont méritées 3 ou plus.
On le constate, nous sommes loin de la coupe aux lèvres quand vient le temps d’évaluer si nos ruelles vertes sont à la hauteur de la réputation qu’elles ont. À l’examen de ces critères, elles ne seraient plus 443 à mériter leur titre…
En effet, 54 ruelles n’offraient ni verdissement, ni aménagements favorisant un bon voisinage. Avec une évaluation de 0 sur la base des 10 critères énumérés, c’est au moins 12% des « ruelles vertes » qui ne méritent en aucun cas leur titre!

Un suivi adéquat
Une des choses qui pourrait expliquer ce résultat, c’est le manque de suivi de l’évolution de nos ruelles vertes. Nombre de citoyens croisés dans celles-ci nous ont affirmé être les seuls à les entretenir, à ne pas avoir de soutien de leurs voisins ou a avoir perdu les fondateurs de leur ruelle suite à des déménagements.
Pour ne pas laisser des ruelles vertes péricliter, faudrait-il penser ajouter au programme un volet de réanimation des comités de voisins à chaque 3 ans, par exemple? Organiser annuellement une corvée d’entretien soutenue par l’arrondissement? Remplacer les bacs à fleurs ou les bancs défraîchis aux 5 ans?
L’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve a identifié le problème et cherche actuellement un moyen de le régler. On y a en effet mandaté une firme d’architectes pour trouver des solutions pour relancer les ruelles vertes défraîchies.
Cette réflexion s’impose aussi à l’échelle de la Ville. Après 443 ruelles vertes aménagées, il ne faut pas laisser se perdre les efforts consentis dans les 40 dernières années! Il faut au contraire maintenir les acquis. Ce sont quand même de 10 000$ à 65 000$ que les arrondissements investissent par ruelle, sans compter le bénévolat des voisins pour les aménager et les entretenir, les œuvres d’art qui y sont exposées et les investissements qu’y font les riverains en plantes et en mobilier de toutes sortes.

Et peut-être une certification?
Les ruelles vertes sont une richesse de la vie de quartier à Montréal et il faut en prendre soin! Pour qu’on puisse en faire un élément distinctif de notre ville, même à l’échelle internationale, nous pourrions aller un pas plus loin et implanter un programme de certification pour suivre l’évolution d’une ruelle.
Ce serait simple à implanter, puisque le programme prévoit déjà qu’elles aient toutes une affiche apposée à leurs entrées. Celle-ci pourrait être marquée…
Au préalable, il faudrait s’assurer que toutes les ruelles vertes aient leur affiche, ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas. Avec un répertoire et une carte fiable des ruelles vertes, ce serait assez facile de palier ce problème. Un concept clair permettrait de faire le ménage des ruelles qui ne méritent pas la désignation de ruelle verte, réglant un autre problème. Pour celles restantes, celles qui le méritent, un système d’étoiles, apposées sur les affiches des entrées de la ruelle, pourrait donner le petit coup de pouce pour mobiliser le voisinage. Personne n’est insensible à l’obtention, ou à la perte, d’une médaille…
La certification pourrait être aussi simple que d’apposer une, deux ou trois étoiles sur l’affiche de la ruelle verte, pour indiquer le niveau d’effort collectif consenti à sa réalisation et à son maintien…
Une façon d’ajouter une touche de fierté à l’entretien des ruelles vertes. Je suis sûr que les voisins voudraient garder leurs étoiles! Et ce serait une belle façon de mobiliser le voisinage, avec un objectif tangible et une reconnaissance officielle de l’effort.

Comme tous les Montréalais, je suis fier de nos ruelles! C’est pourquoi j’ai voulu écrire ce texte. Pour que cette fierté perdure et se développe. Notre programme de ruelles vertes offre une réponse pertinente pour lutter contre les changements climatiques. Il a tout pour devenir un programme ambitieux, qui transforme durablement notre ville et qui confirme sa place sur l’échiquier international des villes qui inspirent!
Maintenant, imaginez ce que serait Montréal si ses 4 300 ruelles devenaient véritablement vertes…
–
Vous aimerez aussi :
- Top 20 des ruelles vertes de Montréal (par Mes Quartiers)
- Enfant de la ruelle
- Votre ruelle verte
- L’apparition des ruelles blanches
- Les micro-bibliothèques de Montréal
- Hôtels à insectes : pourquoi et comment?
Les Archives de Montréal nous proposent aussi une page dédiée à l’histoire des ruelles de Montréal.
–
C’est toi ma Ville s’est associé au blogue Mes Quartiers pour créer une page Facebook dédiée aux amoureux de Montréal. Cliquez « j’aime » sur cette page et découvrez les textes proposés par nos deux blogues, en + d’un contenu original et exclusif!
Vos observations sont très pertinentes et méritent d’être partagées afin de sensibiliser les citoyens mais petite correction, pour notre part (Ruelle des Rêves), dans Villeray, le quartier Villeray-St-Michel-Parc-Extension allouait une somme de maximum 10,000$ par projet et seulement deux par quartier étaient acceptés par année selon l’ordre d’arrivée des demandes.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci de votre commentaire. J’ai ajusté mon texte en conséquence. Au plaisir,
J’aimeJ’aime
Vos observations sont pertinentes et mériteraient d’être partagées aux principaux concernés. Avez-vous contacté la Ville de Montréal pour leur en faire part? Sinon, un média local?
J’aimeJ’aime
Plusieurs de mes abonnés sont des « principaux concernés » 😉
J’aimeJ’aime
Ah ah ! Je suis l’une des abonnées qui se sent concernée ! Je collabore présentement sur les 10 nouvelles ruelles qui verront le jour dans MHM (je fais partie de l’équipe de verdissement de Parc et Horticulture de la ville 😉 )Tout dans l’article est pertinent ! Je dois avouer que le dossier des ruelles vertes dans l’arrondissement est tout nouveau pour moi, alors je commence à me familiariser avec les enjeux. Je prends très bonne note des améliorations possibles et des idées. Comme les ruelles vertes ont le vent dans les voiles, j’ai bon espoir qu’ensemble nous pourrons « hausser la barre » !
J’aimeAimé par 2 personnes
C’est grâce à des gens comme vous qu’on va s’améliorer 🙂 Merci de votre commentaire!!!
J’aimeJ’aime