Il est courant d’entendre que novembre est le mois des morts… Initié avec l’Halloween, se poursuivant avec la Toussaint, la Fête des morts et le Jour du Souvenir, c’est un mois gris, froid et où la diminution de lumière affecte les vivants… Le mois tout désigné pour se poser une question : Quelle place fait-on à la mort dans nos villes? L’avons-nous exclue de la ville en la déplaçant dans les cimetières ou, au contraire, on la souligne un peu partout?

Lors de la plus récente Marche des Zombis, samedi le 29 octobre 2017 dans le Quartier des Spectacles, personne ne pouvait penser que les morts ne sont pas tolérés en ville… Mais en dehors de ce rendez-vous annuel macabre?

Nos cimetières se sont déplacés, depuis la fondation de Montréal, toujours plus loin des habitations, alors qu’ils étaient au cœur de la cité à ses débuts. Si les Montréalais avaient l’habitude d’aller se promener en famille, la fin de semaine, dans nos magnifiques cimetières-jardins sur la montagne, ce n’est plus le cas. Différentes initiatives existent pour nous inciter à les redécouvrir (pour leurs tombes célèbres, pour l’observation des oiseaux ou pour profiter du calme de ces endroits), mais avouez que peu d’entre nous les fréquentent…

Par extension, la mort est parfois associée à nos églises… Bien que les funérailles religieuses soient en perte de vitesse, c’est un des rares moments, pour plusieurs d’entre nous, d’entrer dans ces lieux qui cachent pourtant tout le savoir-faire de nos artisans et de nos artistes du passé… Même s’il y a des églises dans tous les quartiers, on ne peut toutefois pas dire qu’elles permettent un contact avec la mort, puisqu’on y entre peu et qu’elles sont aussi liées aux naissances, aux mariages et aux services religieux encore célébrés par une partie de la population.

Encore plus discrètement, certains aménagements rappellent aux initiés qu’ils sont dans un lieu de commémoration… Le meilleur exemple de cela est au Square Dorchester et à la Place du Canada, en plein centre-ville, où de subtiles croix dans le dallage des deux places rappellent qu’il y avait là, à une autre époque, un important cimetière.

Beaucoup plus visibles, certains morts partent avec l’ambition de laisser un souvenir, alors que d’autres sont mis en scène par les décideurs publics, pour souligner leur héritage…

Monument à Crémazie, au carré Saint-Louis: le vers « Pour mon drapeau je viens mourir ici », qui se trouve sous le soldat, est tiré du poème Drapeau de Carillon de Crémazie

En souvenir de bien d’autres disparus anonymes, plusieurs œuvres commémoratives rappellent les guerres du passé…

Monument aux braves de Lachine, par Alfred Laliberté

Les tueries et les attentats viennent aussi s’incruster dans le paysage de certains de nos quartiers…

Nef pour 14 reines, par Rose-Marie Goulet et Marie-Claude Robert, dans Côte-des-Neiges

Pour d’autres quartiers, ce sont les maladies qui s’attaquent à la population qui sont soulignées.

« À la mémoire des personnes mortes du sida au Québec » au Parc de l’Espoir, dans le Village

Puis il y a les vélos blancs et les autres témoignages des morts de la route qui s’affichent, encore trop souvent…

Un soulier blanc en hommage à Concepcion Cortacans, tuée en 2016 par un conducteur ayant brûlé un feu rouge sur l’avenue des Pins

Sans parler des manifestations de type « Die in », où les gens se couchent sur la chaussée, qui marquent régulièrement nos journaux par les images fortes qu’elles permettent.

Enfin, il y a aussi certaines interventions artistiques, comme celles des muralistes, qui n’hésitent pas à employer la mort comme métaphore…

Murale du Festival Hip Hop You Don’t Stop, par A’Shop (2016), dans Notre-Dame-de-Grâce

Ainsi, on souligne la mort un peu partout en ville… Mais y prête-t-on vraiment attention?

Apprivoiser la mort

Si novembre est le mois des morts, pourquoi ne pas en profiter pour honorer la mémoire de quelqu’un? La Toussaint et la Fête des morts nous invitent à penser aux disparus, une belle occasion d’aller voir les couleurs des arbres dans les cimetières (les tombes célèbres ou les oiseaux), en ayant une pensée pour une personne chère…

On peut aussi aller visiter une personne chère qui est encore en vie!

Se réapproprier les lieux de mémoire permet de découvrir ces espaces urbains étonnants que sont nos cimetières et nos églises, entre autres.

On peut aussi choisir d’aller profiter d’autres lieux de mémoire de causes qui nous touchent. Souvent sur de magnifiques places ou au cœur de jolis parcs, ils invitent au recueillement et offrent de beaux havres de paix.

Pour ne pas oublier

Certains vont jusqu’à développer des applications liées aux morts, comme celle de Moscou, qui permet de visualiser, en réalité augmentée, les morts de la route et leurs histoires… Peu de coins de rue échappent à cette triste réalité.

J’aurais tendance à préférer une application qui mettrait en scène la mort de nos ancêtres pour nous raconter les histoires de notre ville et de ses habitants. Leurs rêves, leurs ambitions, leurs combats, leurs erreurs, leur (manque de) qualité de vie. Ça donnerait beaucoup de sens et de profondeur à l’histoire qui nous entoure, sans qu’on le devine, un peu partout en ville.

Il y a déjà eu une initiative du genre avec Sacré Montagne (2010-2011), qui est toujours pertinente même si elle n’a pas été enrichie depuis longtemps. Puis il y a les « fantômes » du passé qui nous parlent au Musée Pointe-à-Callière, ils sont très réussis…

Il existe enfin des lectures fantaisistes qui s’inspirent de la mort et de la ville, comme La rivière des morts, d’Esther Rochon (éditions Alire), une histoire fantastique qui se déroule à Montréal. C’est un livre tout désigné pour le mois de novembre, si vous avez le goût de jouer avec la frontière du réel…

Quoi que vous fassiez, finalement, en ce mois gris, n’oubliez pas qu’apprivoiser la mort en ville, c’est aussi une façon de mieux profiter de la vie!

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