Dans toutes les grandes villes Occidentales, lors des anniversaires ou des constructions de monuments et d’édifices importants, on glisse une capsule temporelle entre deux briques pour la postérité. Ces témoignages, sensés rappeler aux générations futures la vision de celles qui les ont précédées, prennent différentes formes: lettres d’enfants, coupures de journaux, objets de la vie courante. À Strasbourg, en France, on a même poussé l’audace jusqu’à créer cette improbable capsule temporaire sur le côté de la cathédrale, qui doit être ouverte en… 3790!
Montréal n’échappe pas à la tendance. Ainsi, on a ouvert celle de l’ancien Planétarium, en 2011, pour en préparer une autre pour le nouveau Planétarium (qui pourra être ouverte en 2050). On en a trouvé une dans un bâtiment rénové pour être annexé au Musée Pointe-à-Callière, pour l’enfouir de nouveau, enrichie de contenu moderne (réouverture non programmée). Lors du 350e anniversaire de Montréal on a placé une capsule du temps sous la Croix du Mont-Royal (ouverture prévue en 2142). Plus ancienne, celle de l’île-des-Sœurs a été enfouie en 1967 (pour être ouverte en 2067). Il y en a plusieurs autres connues et certaines déjà oubliées, malheureusement…
Ça m’amène à la capsule dont je voulais vous parler : le petit film Horizon 2000, produit par le Service de l’urbanisme de la Ville entre 1963 et 1967, juste à temps pour l’Expo. Ce sont les Archives de Montréal qui l’ont fait réapparaitre, en 2011. À l’aube du 375e anniversaire de la Ville, si les images témoignent bien de leur temps, les propos sont tout à fait surprenants.
Préparé il y a 50 ans, la narration y est paritaire. On y entend successivement la voix d’un homme et d’une femme, sans que l’un domine l’autre. On y parle de la richesse de la société multiculturelle et diversifiée qui vivra en 2000 à Montréal et on annonce un plan d’aménagement de la région… Qui ne sera finalement adopté qu’en 2011! On aura attendu près de 45 ans pour mettre en œuvre ce qui était alors annoncé, mais bon… Vaut mieux tard que jamais…
Il est fascinant d’écouter ce film tourné il y a 50 ans et de constater qu’il est, pour de grands bouts, encore pertinent! Ça illustre à quel point la Ville évolue à un rythme beaucoup plus lent que ses habitants… Ainsi, ce qui est pensé, avant d’être budgété et planifié, peut prendre des années à se réaliser, parfois même des décennies.
Dans ce film, on avait annoncé : « Le jeu de la spéculation fait monter de façon artificielle le prix des terrains et les montréalais de demain en souffriront » et on avait averti que : « La ville s’émiette et le coût des services publiques s’en trouve haussé d’autant ».
Pour pallier à ces problèmes, on proposait d’adopter un plan de développement de la région dont : « Une première tâche consiste à isoler sur la carte les terrains qui ont une valeur certaine pour l’agriculture; les terrains qui serviront à la récréation; et également ceux qui semblent inaptes à l’urbanisation à cause de leur sol ou de leur situation ». Avec la montée de l’agriculture urbaine, il est intéressant de constater que les préoccupations de base ne changent pas tant que ça en 50 ans. La Ville se construit pour des centaines, voire des milliers d’années, c’est donc un peu normal.
« Des plages publiques pourraient être aménagées à plusieurs endroits ». Cette prédiction là est sur le point de se réaliser, avec les plages de Pointe-aux-Trembles et de Verdun. Il en aura fallu du temps! Dans le film on espèrait que : « Les montréalais et les administrateurs municipaux qui prépareront le Montréal de l’an 2000 marchent dans les pas de ceux qui, il y a 100 ans, se portaient acquéreurs du Mont-Royal et de l’île Sainte-Hélène, qui comptent parmi les plus beaux joyaux du Montréal d’aujourd’hui ». On pourrait dire que les Parcs-Nature, notre réseau de grands parcs sur l’île, et les écoterritoires qui les entourent, répondent à cet espoir. Ainsi, de 3% d’espaces verts sur son territoire en 2000, le territoire terrestre protégé sur l’île est passé à 5,75% en 2013.
Si la capsule temporelle du film Horizon 2000 présente une vision qui s’est en partie réalisée, elle montre aussi l’ampleur de l’optimisme qui marquait les esprits à l’époque de l’Expo! Ainsi, on y annoncait que « en l’an 2000 nous serions 7 millions d’habitants dans la région métropolitaine » alors que c’est plutôt 4 millions.
On aurait aimé que cette autre prédiction se réalise, mais là non plus, le rêve ne s’est pas matérialisé… « Le parcours du métro, qui est présentement de 16 miles, pourrait être prolongé jusqu’à 100 miles ». Si, en 1967, le parcours du métro représentait 26 km (16 miles), on est aujourd’hui bien loin du 161 km annoncé (100 miles)! C’est plutôt 71 km…
Mais l’optimisme devient carrément de l’utopie dans la conclusion. En effet, les auteurs du film Horizon 2000 terminaient en précisant « Nous avons pris pour acquis, ici, que plusieurs questions seront réglées en l’an 2000; la pollution de l’air, la pollution de l’eau et les problèmes des finances municipales… » Ouf! C’est fou ce qu’on peut découvrir dans une capsule temporelle!
Le film de 20 minutes, séparé en deux parties, peut être regardé ici:
et
Si on tournait aujourd’hui une telle capsule pour l’envoyer 50 ans dans le futur, je serais bien curieux de savoir ce qu’on y dirait 😉
On pourrait s’inspirer du livre Rêver Montréal, pour rester dans le ton de l’optimisme. Ce serait un bon début…
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