La Nuit Blanche est tellement un événement fantastique qu’elle a inspiré la création de ce blogue il y a 6 ans. En effet, c’est chaque année une débauche d’activités qui, mine de rien, transforment radicalement la ville. En 2010, j’écrivais que la Nuit Blanche est la nuit de tous les possibles. Je le pense toujours et je reste convaincu qu’elle contribue à d’autres possibles, qui s’expriment ensuite tout au long de l’année, comme j’en parlais ici. Je vais maintenant vous le démontrer en prenant quatre exemples concrets :

Comment la Nuit Blanche change notre rapport à l’hiver

En réussissant à devenir un grand happening, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, la Nuit Blanche (et le festival Montréal en lumière qui l’organise) a réussi à démontrer que les Montréalais avaient le goût de vivre leur nordicité. Que s’il ne se passait presque rien l’hiver dans le passé, hormis des activités sportives, ce n’était pas parce que les gens n’avaient pas le goût, mais parce qu’on ne leur offrait pas assez d’occasion. Aujourd’hui, avec Igloofest et la Fête des Neige qui la précèdent, la Nuit Blanche inspire de plus en plus d’activités, comme la Fête des Glaces qui vient de se terminer sur la rue Saint-Denis, le Carnaval d’hiver de Verdun ou le Carnaval hivernal d’Hochelaga-Maisonneuve (les 27 et 28 février 2016).

La création d’un tel momentum au cœur de l’hiver permet de rêver à une vraie saison touristique urbaine, capable d’attirer des visiteurs de partout. L’œuvre Îlot de chaleur, installée dans le Quartier des Spectacles jusqu’au 5 mars, est un des éléments qui permettent de se démarquer en ce sens. Jouant sur l’idée d’un feu de joie, cette œuvre lumineuse et interactive s’inscrit dans l’imaginaire lié à la saison froide, impossible à recréer là où il n’y a pas de neige. En multipliant ces clins d’œil sympathiques à l’hiver, on change les perceptions des Montréalais comme des touristes et on se démarque à l’international.

Îlot de chaleur (2016)
L’installation Îlot de chaleur peut être visitée jusqu’au 5 mars 2016

Comment des lieux méconnus en profitent pour se faire connaître

Chaque année, trois événements de la Nuit Blanche m’attirent comme un aimant puisque je sais que je ne serai pas déçu : ce sont ceux du Belgo, du Gesù et de Art Souterrain, je vous les recommande. À leurs façons, ils explorent de nouvelles pratiques culturelles, en marge des grandes institutions, décalées, différentes. En osant, elles nous transportent ailleurs…

Le Belgo est un des épicentres de la créativité lors de la Nuit Blanche. Les nombreuses galeries d’art de l’édifice de la rue Sainte-Catherine offrent une panoplie d’activités. Lors de cette folle nuit, les galeries s’improvisent bar ou piste de danse, et célèbrent l’art sous toutes ses formes. La formule attire et était récemment l’inspiration de 2 Soirées Belgo. En réinventant l’accueil offert dans leurs galeries, elles réussissent à séduire de nouveaux publics, tout en créant un événement plus grand que la somme des activités offertes par chacune des galeries participantes.

Belgo

Vivre l’expérience du Gesù lors de la Nuit Blanche est aussi toujours marquant. Dans une magnifique église, différentes manifestations artistiques se succèdent. Jusque- là, c’est assez banal. Mais les éclairages rouges qui illuminent les sculptures de Saints et la cérémonie de vœux qu’on fait brûler sur l’hôtel, créent un univers parallèle des plus surprenants! On aimerait de telles manifestations artistiques plus souvent dans l’année! Le projet de transformation de l’église en lieu culturel pourrait ouvrir la porte à l’installation permanente de cet univers parallèle…

Gésù
Le Gesù lors de la Nuit Blanche… Mystique!

À ces deux adresses, s’ajoutent chaque année une foule de propositions originales. Celles qui m’intriguent cette année ont lieu dans des hôtels! Le Germain, avec un étage de chambres transformées en autant de salles pour faire connaître des artistes et des artisans fait partie de mes coups de cœur. De son côté, le nouvel Hôtel Renaissance ouvre sa terrasse sur le toit pour une soirée où mixologues et DJ s’inspireront mutuellement, pour nous offrir une expérience sensorielle nouvelle…

C’est dans ce même esprit d’influence entre disciplines que la coopérative On est 10 invite les noctambules à son Color bar. Si on en croit cette vidéo, ce sera surprenant! C’est une des principales qualités de la Nuit Blanche : nous permettre d’oser entrer dans des lieux culturels que nous n’aurions jamais visité autrement. Une occasion de découvrir et d’adopter ces lieux, si nombreux à Montréal, mais qu’on connaît peu.

Voyez la carte des activités de la Nuit Blanche, il n’y aurait pas assez de nuits dans l’année pour qu’on les découvre toutes! Il faut donc se laisser porter par le hasard, les mouvements de foule, l’inspiration et profiter de cette occasion unique pour sortir des sentiers battus. Il y a tant de lieux culturels méconnus que vous auriez avantage à connaître!

D’ailleurs, cette carte est intéressante même si vous ne participez pas à la Nuit Blanche, puisqu’elle peut inspirer vos prochaines explorations culturelles…

Comment la Ville en profite pour mettre en place des initiatives intéressantes

Tout le monde profite de la Nuit Blanche pour sortir de sa zone de confort. Ainsi, si tous ces lieux culturels restent ouverts, que les centres d’achats du centre-ville prolongent leurs heures, tout comme plusieurs comptoirs lunchs, c’est aussi un moment utilisé par la Ville et ses composantes pour faire les choses différemment. Il y a aussi la STM qui garde le métro ouvert toute la nuit, un événement trop rare qu’il faudrait au moins répéter pour le jour de l’an! Et il y aura une autre surprise cette année.

Il y a deux ans, inspiré lui aussi de la Nuit Blanche, le Maire proposait que certains bars puissent rester ouverts jusqu’à 6h du matin… Ça m’avait inspiré un texte sur notre vie nocturne et les modèles de conciliation de la vie de nuit et la vie en société. Et bien cette année, 9 bars permettront aux fêtards de faire une vraie nuit blanche. Concentrée dans le Quartier Latin, l’initiative sera suivie de près par la Ville, qui aimerait bien que l’expérience s’étende un peu. Ce sera un genre de projet-pilote. Et un happening unique pour ceux qui en profiteront pour veiller!

Il serait intéressant que le Bureau d’art public soit lui aussi inspiré par la Nuit Blanche. Je rêve que des œuvres présentées par Art Souterrain lors de cette nuit (et pour trois semaines cette année!) deviennent permanentes. Même si ce n’était qu’une par année, le Montréal souterrain compterait maintenant 7 œuvres supplémentaires sur le trajet proposé par Art Souterrain pour sa 8e édition. Et si, en plus, certains gestionnaires d’immeubles où sont installées ces œuvres à partir de la Nuit Blanche en avaient profité pour en acquérir, notre ville intérieure serait aujourd’hui beaucoup plus colorée…

Comment Art Souterrain change nos perceptions sur la ville intérieure

Chaque année, j’attends avec impatience le début d’Art Souterrain. En introduisant des œuvres d’art dans le Montréal souterrain, ce festival modifie à tout jamais notre expérience des corridors sous la ville. Les œuvres marquantes restent gravées dans notre imaginaire et habitent à tout jamais le lieu où elles nous ont surpris.

Le seul cas d’œuvre restée sur place, après l’événement Art Souterrain, que je connaisse est la murale de Rafael Sottolichio, sous le Centre de Commerce Mondial. Avouez qu’elle change l’ambiance :

2012 murale de Rafael Sottolichio, « Circulations »
Avant 2012 et après 2012, avec la murale de Rafael Sottolichio, Circulations

Pour bien vous montrer l’ampleur phénoménale de ces 60 œuvres éphémères, réparties sur 7 km de parcours, j’ai fait une sélection de photos de celles qui m’ont le plus marqué au cours des dernières années. De celles qui auraient dû être achetées à celles qui laissent un souvenir impérissable et de celles qui montrent tout le potentiel d’un espace souterrain à celles qui surprennent par leur simplicité. Chaque année c’est la même chose, plusieurs oeuvres nous touchent et continuent à exister dans notre mémoire. Mais si certaines avaient été conservées, voyez ce que ça changerait un peu partout dans le Montréal souterrain.

Celles qui auraient dû être achetées

J’aurais aimé que le Palais des Congrès, qui utilise déjà les couleurs sur sa façade, acquière cette œuvre d’art inspirée du lieu et qui animait merveilleusement un de ses accès à partir du Montréal souterrain :

Infiltration, de France Dubois (2010)
Infiltration, de France Dubois (2010)

La Gare centrale aurait pu ajouter une note d’humour à son hall, en adoptant cette oeuvre :

Loren Williams (2014)
Départs – Arrivées (une colonne de valises), de Loren Williams (2014)

Une autre œuvre qui aurait pu être achetée pour devenir permanente est cet intéressant montage photo, qui montre le mur où il est accroché. Il aurait eu l’avantage d’animer efficacement à peu de frais un des endroits les plus ternes du Montréal souterrain :

Guylaine Séguin 2010
Guylaine Séguin nous amène à confondre la réalité et le passé (2010)

Celles qui laissent un souvenir impérissable

Le Complexe Guy-Favreau serait plus accueillant si son coin salon était resté plus longtemps que les quelques jours de l’édition d’Art Souterrain de 2010 :

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Le corridor menant à la Tour de la Bourse ne sera plus jamais le même pour celles et ceux qui ont vu sa transformation de 2013 :

Labyrinthe de l'archétype éternel de Shyra De Sousa
Labyrinthe de l’archétype éternel, de Shyra De Sousa (2013)

Celles qui montrent tout le potentiel d’un espace souterrain

Un corridor anonyme du Montréal souterrain deviendrait subitement intéressant si l’œuvre qui l’anime pendant Art Souterrain restait tout au long de l’année… Prenons cet exemple d’un même corridor, visité en 2011 et 2012 :

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Couloir du crépuscule, de France Dubois (2011) et La Marelle, de Martine Frossard et Isabelle Guichard (2012)

Les dessous d’escaliers non plus ne seraient plus jamais les mêmes… Ici, l’escalier qui mène à la Place Jean-Paul-Riopelle à partir du souterrain, en 2010, 2011 et 2012 :

Escalier menant à la Place Jean-Paul-Riopelle
En 2010, Espèce d’Espace, de Catherine Grabherr, nous interrogeait sur la nature urbaine souterraine. En 2011, au même endroit, L’hibernation des nymphéas, de Lisette Lemieux, nous attendait. En 2012, Transhumances, de Zoné Vert, occupait le même dessous d’escalier. 3 années, 3 ambiances, 1 dessous d’escalier…

En reprenant l’idée de l’achat d’œuvre ou de leur installation à plus long terme, le corridor de l’OACI aurait pu devenir une galerie d’art si on y avait laissé ces deux œuvres :

Corridor-Galerie
En 2015, Michel De Broin nous offre deux oeuvres phares dans le corridor de l’OACI: Blowback et L’abîme de la Liberté

Celles qui surprennent par leur simplicité

Même des interventions plutôt simples sont impressionnantes dans certains contextes. Les mystérieuses portes noires disséminés sur le parcours d’Art Souterrain en 2013 en sont un exemple. Après en avoir croisé deux, je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer ce qu’elles pourraient cacher :

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4 fausses entrées de tunnel, oeuvre de Loren Williams, animaient les souterrains en 2013

Enfin, ces panneaux de signalisation utilisés en 2014 au cœur d’un centre commercial m’avaient marqués. Disposés en cercle, ils nous invitaient à tourner en rond!

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Panneaux pédestres, de Timeanddesire (Denise St Marie et Timothy Walker) (2014)

Quelles surprises nous réservent l’édition de la Nuit Blanche de cette année? Il faut y participer samedi pour le savoir! Et quels souvenirs impérissables graveront dans notre mémoire Art Souterrain? Nous aurons du 27 février au 20 mars pour le découvrir!

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La Nuit Blanche, nuit de tous les possibles, vous attend encore cette année: c’est ce samedi, le 27 février. Ajoutez cet amalgame d’événements à votre agenda, vous verrez qu’il contribuera à changer votre regard sur la ville! En vous donnant accès à tout ce qui y est caché, cette seule nuit pourra alimenter vos découvertes à venir pour l’année entière. C’est assurément un rendez-vous à ne pas manquer!

Pour célébrer ses 6 ans, C’est toi ma Ville s’est associé au blogue Mes Quartiers pour créer une page Facebook dédiée aux amoureux de Montréal. Cliquez « j’aime » et découvrez du contenu exclusif proposé par les deux blogues : suggestions de restos et bars, initiatives intéressantes, échanges sur ce qui bouge à Montréal et +