Ils s’expriment sur des collants qu’ils exposent et qui se superposent sur le domaine public, aussi vite qu’ils s’usent et qu’ils sont arrachés. Leurs oeuvres sont partout, mais on ne les voit pas, à moins d’y être attentif. En fait, ils nous forcent à ralentir pour les dénicher, à arrêter de voir la ville en général, mais de la regarder en détail. Souvent, leurs collants méritent à peine un regard, mais parfois, ils révèlent un véritable artiste… Et lorsqu’on en a découvert deux ou trois, on se met à les chercher, à prévoir leurs lieux d’expositions et à se sentir membres d’une confrérie urbaine secrète, qui voit ce que la population ignore.
Le « sticker art » existe depuis plus de 15 ans et s’étale dans nos villes jusqu’aux quartiers résidentiels. Ainsi, il y a une variation géographique de ce qui peut être vu, et une tendance à l’attroupement dans les quartiers centraux, qui donne le genre d’image ci-dessous, où se côtoient ROC514 (et son petit oiseau caractéristique), Hz52 (le poisson), Stela (les figures de poupées aux grands yeux), TurtleCaps (le genre de carapace de tortue à manivelle surmonté d’un bouchon de canette aérosol, en haut à droite), Selena Gomez, Waxhead (le collant blanc à gauche, au centre), etc.
Il y a tellement d’artistes qui utilisent cette forme d’expression que Wall2Wall Montréal mur à mur, un blogue spécialisé dans le street art, peine à les recenser. Son tour d’horizon des nouveautés de mai et juin présente une quarantaine d’artistes du sticker connus, et une quinzaine d’autres, inconnus.
On serait rapidement porté à penser que ce sont justement d’obscurs inconnus qui travaillent sur ce médium artistique, mais ce n’est pas toujours le cas. De vrais artistes sont derrière certains personnages, comme Turtle Caps, qui mobilise des artistes d’ici et de New York à travailler ensemble. Ou comme LoveBot, un artiste très médiatisé, qui multiplie ses robots à Toronto, aux États-Unis et maintenant à Montréal (ci-dessous, avec des stickers de El Moot Moot). Il faut avouer que pour certains de ces artistes, présents dans plusieurs villes, la tâche est facilitée par les fans qui achètent en ligne des stickers, pour pouvoir les répandre eux-mêmes…
Un autre exemple de personnage agréable à croiser, National Zombi et dessous, le Super Bear :
D’autres sticker artistiques, qui ont attiré mon attention, mais dont l’artiste m’est inconnu :
Ajout: la femme de droite est une oeuvre politique de Zola, qui représente Leila Khaled, une militante Palestinienne, m’informent des lecteurs… Je reviens sur le thème des stickers politique plus loin dans ce texte.
Il y a aussi des œuvres plus complexes, qui nécessitent un travail aussi patient qu’attentif, comme celles produites par Fletcher :
Ou d’autres, alliant humour et imagination, ici une autre oeuvre de Fletcher :
Comme l’explique l’article de Wikipédia sur le Sticker art, les premiers à s’être servis de l’autocollant pour promouvoir une idée sont les groupes de gauche. Il est donc normal d’en trouver aussi. Ci-dessous, deux exemples, plus artistiques, concernant le projet de pipeline Embridge et la répression policière.
Ainsi, l’art sur autocollant se porte bien à Montréal, tellement qu’il a son propre festival! En mai dernier, la 2e édition du MTL SLAPS Exposition Internationale de collants se tenait, attirant les artistes et les amateurs du genre. Plus de 70 artistes locaux et internationaux étaient représentés et il était même possible d’y produire et d’y échanger des stickers!
Art ou vandalisme? Quel apport a ce type d’œuvre dans une ville? Je me pose encore la question. Mais lorsque les oeuvres sont belles, elles me rappellent invariablement qu’il faut ralentir pour véritablement regarder sa ville. Que ce soit, d’ailleurs, pour un sticker ou une fleur sauvage, un bel aménagement ou un commerce intéressant. Voir « en général » ne permet jamais de profiter de tout ce que notre ville a à nous offrir. Si ce n’est que pour cette prise de conscience, les stickers et autres collants artistiques méritent leurs places!
En terminant, un petit clin d’œil au prochain Star Wars, avec cette œuvre de G.Knight (qui est aussi l’auteur du Super Bear contenu dans la photo des National Zombis ci-dessus, et d’une grande variété d’autres dessins):
Pour en savoir plus sur le sujet :
- L’art public et la rue qui parle du livre Street art et graffiti
- Ces graffitis et murales qui embellissent nos vies
- Occuper l’espace
- Tricoter la ville sur le « Yarn bombing » ou tricot-graffiti
- Murales: Montréal n’a presque rien à envier à Wynwood
- Les plus belles murales qui contient mon premier palmarès (été 2013) et un survol des circuits touristiques de murales offerts dans d’autres villes du Québec et d’Europe.
- La multiplication des murales – mon Top 20 de 2013
- Murales : le Top 20 de 2014
- Enfin, pour mon prochain « Top » des murales, rendez-vous en 2015 😉
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Bonjour Carle, super article, merci pour la mention! Le combo à 9 autocollants au-dessus des Il Flatcha (Fletcher), est incidemment aussi par Il Flatcha. Parmi ceux que tu n’as pas réussi à identifier, celui montrant une femme avec foulard autour de la tête est par Zola. Au plaisir!
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